🎧 Ce que disent les faits face aux fausses rumeurs sur la chute ou non de la ville de Goma

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Les combats entre les Forces armées de la République démocratique du Congo (RDC), soutenus par les Wazalendo, et les rebelles de l’AFC/M23 ont éclaté à Goma, le 26 janvier. Alors que des sources locales confirment la chute du chef-lieu de la province du Nord-Kivu, aucune annonce des autorités du pays ne l’atteste. Entre rumeurs et désinformation, la guerre de l’information bat son plein, alimentée par l’absence de communication gouvernementale claire et les restrictions imposées aux médias. Décryptage.

Une incertitude règne sur le contrôle de Goma, chef-lieu du Nord-Kivu, dans l’Est de la RDC, où l’armée loyaliste et ses alliés les Wazalendo combattent les rebelles de l’Alliance Fleuve Congo (AFC)/M23 depuis le 26 janvier. Sur les réseaux sociaux, des rumeurs contradictoires circulent : certains annoncent une mainmise totale des rebelles, tandis que d’autres évoquent une résistance des Forces armées congolaises.

Sur le terrain, plusieurs sources locales affirment que les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda, contrôlent les points stratégiques de cette ville d’environ 2 millions d’habitants. Pourtant, aucune source officielle n’a, à ce jour, confirmé sa chute. Lors d’une conférence de presse à Kinshasa le 3 février, Patrick Muyaya, ministre de la Communication et des Médias, et porte-parole du gouvernement, a rassuré que la situation de Goma est  « temporaire », sans dire qui en est actuellement le maître.

Dans son message à la Nation le 29 janvier, le président Félix Tshisekedi a assuré qu’« une réponse vigoureuse est en cours », en exprimant sa solidarité aux Gomatraciens et Gomatraciennes. « À vous, habitants de Goma et des environs, je ressens profondément votre douleur, qui est aussi la mienne. Elle traverse nos cœurs et nos âmes en tant que fils et filles d’une même patrie. Mais face à cette épreuve, je vous exhorte à puiser dans cette force intérieure qui fait la grandeur du peuple Congolais. Résistez avec courage, faites preuve de vigilance constante et gardez votre calme malgré l’adversité », a-t-il déclaré. Répondant à la question d’un journaliste au cours d’un briefing à Kinshasa le 3 janvier, Jacquemain Shabani, ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, a tenu à préciser qu’« elle [la ville de Goma, ndlr], n’est pas prise, mais qu’elle est occupée par l’armée rwandaise ».

Des rumeurs contradictoires et une conférence de presse de Corneille Naanga

Cette absence de communication claire des dirigeants congolais sur la situation de Goma alimente la désinformation, qui prolifère aussi bien sur les réseaux sociaux qu’au sein des communautés. Le 30 janvier, sur réseau social X, un internaute a partagé une vidéo dans laquelle le chroniqueur politique Israël Mutombo démentait la prise de Goma par l’AFC/M23. Quelques heures plus tard, un autre utilisateur annonçait la reprise de la ville par les FARDC. Deux affirmations qui ne reposaient pourtant sur aucune source factuelle.

Face à cette confusion, Vunja Uongo, la cellule de vérification du Studio Hirondelle RDC, a consulté plusieurs sources locales, notamment des journalistes ayant requis l’anonymat. Tous ont confirmé que Goma est sous contrôle rebelle. Ils ont également assisté à une conférence de presse de Corneille Nangaa, coordonnateur de l’Alliance Fleuve Congo/M23, le 30 janvier à l’hôtel Serena de Goma.

Certaines publications ont prétendu que cette conférence s’était tenue à Kigali, au Rwanda. Une analyse des images a pourtant permis d’identifier le cadre de l’événement, où figurait notamment un portrait du président Tshisekedi. « J’étais présent à cette conférence, qui s’est bel et bien tenue à Goma », a affirmé un journaliste local.

Une lourde perte en vies humaines

Le 27 janvier, une publication sur X affirmait qu’aucun mort n’avait été recensé lors des affrontements pour le contrôle de Goma. Pourtant, selon les Nations-Unies, au moins 900 personnes ont été tuées. De son côté, le gouvernement a avancé, le 3 février, un chiffre de 2 000 morts, un bilan nettement plus élevé que celui initialement relayé par plusieurs médias, dont La Tribune de Genève, La Croix et TV5 Monde.

Le 20 janvier, bien avant la prise de Goma, Save The Children, une organisation de défense des droits de l’enfant, rapportait déjà deux morts après l’explosion des bombes à Kibumba, à 20 kilomètres de Goma. « Il y a eu plusieurs morts ici dans la ville. Les rebelles et l’armée se sont battus jusqu’au centre-ville », a déploré un journaliste sur place.

Des membres de la Croix-Rouge congolaise et de la Protection civile enterrent des dizaines de victimes des récents affrontements dans un cimetière de Goma, le 4 février 2025. Au moins 900 personnes ont été tuées et plus de 2 800 autres blessées lors des récents affrontements à Goma, capitale de la province du Nord-Kivu en République démocratique du Congo, a déclaré l’ONU lundi. Le groupe armé M23, soutenu par le Rwanda, s’est emparé de Goma, la plus grande ville de l’est du pays, et progresse vers le sud alors que des volontaires et l’armée congolaise en difficulté tentent de les repousser. (Photo par ALEXIS HUGUET / AFP)

Une guerre de l’information omniprésente

Une rumeur a même annoncé la démission du ministre de la Défense, Guy Kabombo Muadiamvita. Bien que les tentatives de joindre directement l’intéressé ou ses services n’ont pas abouti, des éléments factuels ont rapidement contredit cette affirmation. Le 27 janvier, jour de la diffusion de cette infox, il participait à une réunion avec le président Tshisekedi. Le 30 janvier, il apparaissait encore à la télévision nationale s’adressant aux militaires engagés au front devant un fond portant la mention « Vice-primature, ministère de la Défense nationale »

Dans un contexte de tensions sécuritaires en RDC, la désinformation prend de l’ampleur, amplifiée par les restrictions imposées aux journalistes. En effet, le Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication (CSAC) interdit aux médias de parler d’une possible chute de Goma sans se référer à une source « officielle », créant un vide d’information propice aux rumeurs. Par conséquent, la guerre informationnelle, également appelée guerre de l’information ou infoguerre, permet à chaque camp de mener des opérations médiatiques dans le but d’obtenir un avantage sur l’adversaire.

Sur les réseaux sociaux et au sein des communautés, des doutes subsistent encore sur le maître actuel de Goma alors que la ville a été déconnectée du monde pendant plusieurs jours à la suite du manque d’électricité et de la coupure d’Internet.

La rumeur de la semaine est une rubrique pour décrypter les fausses informations qui circulent sur nos réseaux sociaux et au sein de nos communautés locales sur le terrain. Un décryptage réalisé par Vunja Uongo, l’équipe de la cellule de vérification du Studio Hirondelle RDC.