Deux rumeurs ont circulé autour de la participation de la RDC au Forum sino-africain à Beijing, en Chine, du 4 au 6 septembre derniers. La première, sur les réseaux sociaux, un lot des publications a affirmé que la Chine a décidé de déployer 30.000 militaires pour combattre aux côtés des FARDC dans l’Est de la RDC. Et la deuxième avec une photo à l’appui démontre que le président chinois a servi de médiateur pour une rencontre entre les présidents Félix Tshisekedi de RDC et Paul Kagame du Rwanda. Il s’agit de fausses informations.
Sur Facebook, une publication partagée prétend que le président chinois a décidé d’envoyer des troupes pour combattre les rebelles. « Le prédisent Tshisekedi, incapable de finir la guerre à l’Est du pays, est allé signer un accord avec le président chinois Xi Jinping qui va lui octroyer 30 000 soldats chinois pour venir mettre fin à la guerre de l’Est », lit-on dans ce post. S’il y a bel et bien eu bien signature d’un accord militaire entre les deux pays, aucun déploiement des troupes n’a été décidé.
Un déploiement militaire est une action de déplacer et stationner des troupes ou des équipements militaires dans une région donnée, que ce soit sur un territoire national ou a l’etranger tandis qu’un accord militaire est un traité ou un arrangement entre deux pays ou plusieurs définissant des engagements mutuels dans le domaine militaire. La RDC et la Chine ont signé, le 6 septembre à Beijing, un accord militaire, par l’entreprise de leurs ministres en charge de la Défense. Selon les autorités congolaises, cet accord a pour but de renforcer les capacités des Forces Armées de la RDC.
Aucun déploiement militaire prévu
Le cabinet du ministre de la Défense de la RDC a expliqué que cet accord vise à renforcer la coopération entre les forces armées des deux pays dans différents domaines tels que la formation militaire, l’échange d’expériences et le ravitaillement en équipements militaires. Contacté, ce ministère n’a pas voulu commenter, se limitant à donner les 5 avantages stratégiques de cet accord qui sont: la mutualisation des ressources en matière de défense, l’amélioration des compétences, le partage d’intelligence, le développement technologique et l’alliance stratégique pour la compétitivité.
Par l’entremise du porte-parole du chef de l’État, Tina Salama, a qualifié cette information d’une fake news. De son côté, l’ambassade de Chine n’a pas répondu aux sollicitations. Toutefois, Hugo Matadi, un journaliste spécialisé dans les questions chinoises, joint au téléphone, a expliqué que cet accord implique « l’équipement, la formation mais pas le déploiement des troupes sur terrain ». « D’ailleurs, ce n’est pas dans la politique chinoise de s’immiscer directement dans les combats tiers », a-t-il précisé.
Aucune rencontre entre Kagame et Tshisekedi en Chine
Au cours du même Forum, une photo montrant les présidents Kagame et Tshisekedi, autour du président chinois, Xi Jinping, est rapidement devenue virale sur les réseaux sociaux, générant diverses réactions alors que la RDC et le Rwanda sont en conflit. Cette photo a été vue comme un début de négociations entre les deux parties. Pourtant, il s’agit d’une photo truquée. Grâce à des outils de vérification d’images, notamment Google Lens, il a été établi qu’elle a été montée sur base d’une photo montrant Paul Kagame aux côtés du couple présidentiel chinois. La première dame a ainsi été remplacée par Félix Tshisekedi et la photo a été mise en miroir pour tromper les algorithmes.
En chargeant la photo dans les applications FotoForensics et Fake Image Detector, les résultats ont permis de conclure que le cliché est manipulé. La photo originale figure notamment dans un article de Newtimes, publié le 4 septembre 2024 avec la légende suivante : « Le président Paul Kagame, le président chinois Xi Jinping et la première dame Peng Liyuan lors d’un banquet de bienvenue le mercredi 4 septembre. Photographie capturée par Village Urugwiro ».
Les recherches supplémentaires ont également permis de déduire que les présidents rwandais et congolais ne se sont pas rencontrés en tête-à-tête à Beijing. Patrick Muyaya, porte-parole du gouvernement, qui était dans la suite du président Tshisekedi, a formellement démenti la tenue de cette rencontre. De plus, aucune source dans les médias officiels chinois, congolais ou rwandais n’a confirmé la rencontre.
Ce genre de désinformation peut avoir des conséquences très graves. Elle peut alimenter les tensions, créer de la méfiance entre les populations et les gouvernements, et même servir d’outil de propagande pour des acteurs étrangers qui cherchent à déstabiliser la région. Ces désinformations ont été partagées par plusieurs comptes et pages sur les réseaux, y compris des comptes certifiés. Pour ne pas tomber dans la manipulation des images détournées ou modifiées, il est donc important d’observer les détails visuels puisque les images modifiées peuvent avoir des éléments pas naturels par exemple : des ombres incohérentes, contours flous ou proportions anormales.