🎧 Non, le Cardinal Ambongo n’a pas appelé à des manifestations pour lever le cessez-le-feu dans l’Est du pays

Une publication virale sur les réseaux sociaux X et Facebook a prêté au Cardinal Fridolin Ambongo des propos appelant le président Félix Tshisekedi à lever le cessez-le-feu et à attaquer les rebelles dans l’Est du pays. Après vérification, cette déclaration s’avère fausse. Ni l’Archevêque de Kinshasa ni la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) n’ont tenu de tels propos. Décryptage.

« Si l’Udps, la famille présidentielle, parvenait à organiser des manifestations à travers toute la RDC, pour exiger au président Félix Tshisekedi de lever le cessez-le-feu et de donner l’instruction aux FARDC de mener des attaques et déloger les rebelles dans l’Est du pays. Cela pourrait également permettre à la population et à l’église de comprendre que l’UDPS et le président Félix Tshisekedi ne soutiennent pas la rébellion. » Ces propos, attribués au cardinal Fridolin Ambongo, archevêque de Kinshasa, ont circulé sur les réseaux sociaux X et Facebook, atteignant plus de 500 000 personnes. La publication est apparue le 10 décembre 2024, au lendemain d’une déclaration du président Tshisekedi demandant à l’Église catholique d’organiser des prières pour obtenir « un miracle, par exemple, la fin de la guerre à l’Est de notre pays. Ceci peut me permettre de savoir si l’Église soutient ou non la rébellion ».

Un démenti formel

Le Cardinal Ambongo à Kigali lors de la réunion du comité permanent du SCEAM.

L’équipe de vérification des faits Vunja Uongo du Studio Hirondelle RDC a contacté le Cardinal Ambongo et la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), qui ont tous deux démenti cette déclaration. « C’est faux. Un cardinal ne parle pas ainsi. C’est évident », a répondu le prélat via WhatsApp, sans souhaiter s’exprimer davantage. De son côté, Monseigneur Donatien Nshole, secrétaire général de la CENCO, a affirmé ne pas être au courant d’une telle déclaration.

Certains auteurs des publications qui ont relayé cette publication ont également été contactés. Deux d’entre eux sont restés silencieux, alors qu’un n’a pas pu expliquer où et quand le prélat a tenu ses propos. « Bonjour. Vous vous dites être journalistes, mais incapables de faire une recherche sur Google !? », a-t-il rétorqué, sans donner une réponse. Pourtant, sur ce même moteur de recherche, aucune information relative à cette citation n’a été trouvée. « Bonjour. Vous vous dites journalistes, mais vous êtes incapables de faire une recherche sur Google ? », a-t-il rétorqué, sans fournir de preuve. Or, aucune trace de cette citation n’a été trouvée en ligne.

La véritable position du cardinal Ambongo sur la crise sécuritaire

Par ailleurs, une recherche par mots-clés effectuée sur Google a permis de retrouver des récentes déclarations du Cardinal Ambongo et de la CENCO sur la situation sécuritaire dans l’Est de la RDC. En marge d’une réunion du Symposium des conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar, tenue à Kigali, capitale du Rwanda, en novembre 2024, l’archevêque de Kinshasa a évoqué le conflit armé entre les Forces armées de la RDC (FARDC) et le groupe armé Mouvement du 23-Mars (M23), soutenu par le Rwanda selon de nombreuses sources concordantes. « Si nous, au niveau de l’Église, nous pouvons nous fréquenter et fraterniser, pourquoi cela semble-t-il impossible au niveau politique ? Les citoyens de ces deux pays ont besoin de vivre en sécurité et de vaquer librement à leurs activités. L’Église n’a pas le pouvoir de résoudre les différends politiques entre ces nations. Mais elle a la mission de prophétiser, d’interpeller les dirigeants. Nous gardons espoir que les graines semées aujourd’hui porteront leurs fruits un jour », avait-il déclaré.

Un mois plus tôt, il avait également lancé ce même appel au dialogue sur les antennes de la chaîne de télévision française France 24, expliquant que cela pouvait redonner la paix aux populations de l’Est de la République démocratique du Congo. Une position bien éloignée des propos polémiques relayés en ligne. Toujours en novembre, la CENCO a adressé un mémorandum au président Félix Tshisekedi pour appeler « à une cohésion nationale pour faire face à l’ennemi commun ». En novembre, la CENCO avait aussi adressé un mémorandum au président Tshisekedi, appelant à une « cohésion nationale pour faire face à l’ennemi commun ».

Un contexte de tensions entre l’Église et le pouvoir

Ces recherches montrent que le Fridolin Ambongo a été accusé à tort d’avoir tenu des propos désobligeants envers le dirigeant congolais. La publication le mettant en cause a généré de nombreux commentaires hostiles visant le prélat. Une situation qui a exacerbé les tensions qui existent entre le pouvoir et l’Eglise. Depuis 2018, ces relations sont marquées par des tensions, l’Église ayant contesté les résultats de l’élection présidentielle remportée par Félix Tshisekedi face à Martin Fayulu.

Bien que la RDC soit un pays laïc, sa population est majoritairement chrétienne, et les Catholiques en représentent près de 50 %. L’Eglise catholique a joué un rôle clé dans l’histoire politique du pays, principalement en 1992 lors de la tristement célèbre marche des chrétiens qui visait à exiger la réouverture de la Conférence nationale souveraine (CNS), un processus censé mener à la transition démocratique du pays, qui a causé entre 30 et 100 morts selon différentes sources. Entre 2015 et 2016, elle s’est également impliquée pour obtenir le départ du pouvoir du président Joseph Kabila au terme de ses deux mandats constitutionnels. Depuis 2024, l’Église catholique s’oppose fermement à toute tentative de modification de la Constitution en vue de prolonger le mandat du président Tshisekedi.

La rumeur de la semaine est une rubrique pour décrypter les fausses informations qui circulent sur nos réseaux sociaux et au sein de nos communautés locales sur le terrain. Un décryptage réalisé par Vunja Uongo, l’équipe de la cellule de vérification du Studio Hirondelle RDC.