Depuis quelques jours, une photo montrant du professeur et ancien candidat à la présidentielle Noël Tshiani aux côtés du leader de l’AFC-M23 Corneille Nangaa circule massivement sur les réseaux sociaux, accompagnée d’une légende annonçant son ralliement à ce mouvement politico-militaire qui combat le pouvoir de Kinshasa. Pourtant, cette affirmation est fausse, et la photo date de plusieurs années en arrière.

« Pr Noel K. Tshiani Muadiamvita, défenseur de l’idéologie de congolité (de père  et de mère) vient de se rallier à l’opposition armée AFC/M23 de Corneille Nangaa ». C’est ce qu’a écrit le compte X RDC_Times – réputé pro-rwandais – dans une publication du 1er septembre, avec, en illustration, une photo montrant Noël Tshiani, candidat aux présidentielles de 2018 et 2023, serrant la main de Corneille Nangaa, ancien président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Ce dernier est, depuis 2023, à la tête de l’Alliance Fleuve Congo/Mouvement du 23 mars, un mouvement politico-militaire qui occupe plusieurs pans du territoire de la République démocratique du Congo (RDC), y compris les villes de Goma et Bukavu.

En quelques jours, le cliché est devenu viral, partagé par des dizaines de pages et comptes sur Facebook et X (comme ici, ici, ici, ici et là), alimentant une vive polémique et des réactions diverses dans l’opinion. Cette viralité se justifie notamment par l’activité récente de Nangaa qui  multiplie les adhésions dans son mouvement, notamment de figures politiques venant de Kinshasa. 

Seulement, la photo n’est pas récente. Une simple recherche d’images inversées a permis d’établir qu’elle date de décembre 2022. À l’époque, Corneille Nangaa venait de quitter la présidence de la CENI et enchaînait les rencontres politiques. De son côté, Noël Tshiani poursuivait sa campagne d’opinion autour de sa proposition controversée de loi sur la « congolité », limitant les postes à responsabilité aux seuls candidats nés  « de père et de mère » congolais.

Sur son propre compte X, Tshiani avait d’ailleurs commenté cette rencontre en ces termes : « Un grand plaisir de m’entretenir avec Corneille Nangaa pour analyser la situation politique, économique, sociale et sécuritaire du pays ainsi que le processus électoral. J’adore écouter et consulter les gens qui connaissent les réalités du pays et qui savent de quoi ils parlent ».

Pas d’adhésion de Tshiani à l’AFC

Contacté par Vunja Uongo, la cellule de vérification des faits de Studio Hirondelle RDC, Christian Tshisumpa, assistant de Noël Tshiani, a qualifié cette rumeur de « fakenews ». « Le professeur Noël Tshiani n’ira jamais à Goma tant qu’il sera contrôlé par les Rwandais. Rejoindre la rébellion n’a jamais été à l’ordre du jour. Aucune frustration ne peut justifier une rébellion contre sa propre nation », a-t-il précisé. Actuellement en convalescence, Tshiani n’a pas directement réagi. Son assistant a cependant confirmé que l’ancien candidat aux présidentielles en RDC soutient les efforts du gouvernement pour restaurer la paix sur toute l’étendue du territoire national.

Il n’existe également aucune trace de cette prétendue adhésion sur les plateformes de l’AFC/M23. Par ailleurs, Tshiani a décidé, via ses avocats, de porter plainte contre un journaliste de Kinshasa, accusé d’être à l’origine de cette « diffamation ».

Le détournement d’images, forme fréquente de désinformation

Sur Internet, le détournement d’images est une des formes les plus répandues de désinformation car une image peut être authentique mais utilisée pour diffuser un message totalement mensonger. Ce type de désinformation aussi appelé manque de contexte ou encore misleading content en anglais, renvoie à une photo ou une vidéo authentique, mais utilisées en dehors de son époque, de son lieu ou de sa situation réelle dans le but d’induire le public en erreur. Du fait de leur authenticité, ces photos et vidéos paraissent crédibles aux yeux des internautes. 

Le détournement d’images peut déclencher de fortes émotions avec, en prime, une viralité rapide. Sur Internet, la vigilance et la responsabilité dans le partage de contenus s’imposent comme de véritables boucliers contre la désinformation.

La rumeur de la semaine est une rubrique pour décrypter les fausses informations qui circulent sur nos réseaux sociaux et au sein de nos communautés locales sur le terrain.