🎧 Faux, aucune manifestation contre FĂ©lix Tshisekedi n’a Ă©tĂ© organisĂ©e par les populations de Goma et Bukavu

Une vidéo virale relayée sur TikTok et YouTube prétend montrer des manifestants à Goma et Bukavu réclamant la « tête » du président Tshisekedi. Mais une analyse de Vunja Uongo révèle qu’il s’agit d’une séquence ancienne, liée à des funérailles organisées le 15 mai à Goma, après un bombardement meurtrier attribué au M23. Aucun signe ni slogan dans la vidéo ne confirme un lien avec une marche de protestation politique.

Une vidéo de 23 secondes publiée le 10 juillet sur TikTok prétend montrer une marche de protestation dans les villes de Goma et Bukavu, au cours de laquelle la population réclame la tête du président Félix Tshisekedi. La même séquence a été reprise sur YouTube le 15 juillet, légendée : « La population à Goma se lève ». Mais plusieurs éléments prouvent que cette vidéo est ancienne et détournée de son contexte initial.

Dans la vidéo, on observe une cinquantaine de civils, hommes et femmes, chantant à l’unisson, certains portant des croix en bois peintes en blanc et des bandeaux blancs sur la tête. L’un des manifestants tient une croix avec une inscription en swahili traduite en français par : « RDC, nous en avons assez de massacres ».

Aucun slogan ou pancarte ne mentionne Félix Tshisekedi. Mais la légende qui accompagne ce contenu audiovisuel affirme : « La population de Goma et Bukavu réclame la tête de Félix Tshisekedi ». La publication a cumulé plus de 268 000 vues au 23 juillet sur Titok et 618 sur YouTube.

Des agents de la Police nationale congolaise (PNC), clairement identifiables par leurs uniformes et insignes, encadrent la procession. Or, dans les zones actuellement contrôlées par le mouvement politico-militaire Alliance Fleuve Congo/Mouvement du 23 Mars (AFC/M23), soutenu par le Rwanda, les autorités rebelles ont mis en place une administration parallèle, avec une police qui ne porte pas l’uniforme de la PNC.

Une vidéo identique publiée en mai 2024

Une recherche par des captures d’écran de la vidéo TikTok ont permis de trouver une autre vidéo du même événement, filmée sous un autre angle et publiée le 15 mai 2024. La légende associée est alors : « Stop à la guerre à l’est, tolembi makasi [nous sommes épuisés, ndlr], je suis Goma ». Le même groupe de manifestants, les mêmes croix, les mêmes bandeaux blancs et les mêmes policiers de la PNC apparaissent dans cette version. Tout confirme qu’il s’agit du même événement.

Une recherche Google avec les mots-clés « manifestation à Goma le 15 mai 2024 » mène à une photo d’un article de Radio France International publié le même jour. La légende de cette image confirme qu’il s’agissait  « des parents assistent aux funérailles des victimes au cimetière de Makao à Goma, en République démocratique du Congo, le 15 mai 2024 ».

Une cérémonie funéraire, pas une marche politique

Un journaliste basé à Goma, contacté par la rédaction du Studio Hirondelle RDC et s’exprimant sous anonymat pour des raisons de sécurité, a confirmé que la vidéo a bien été filmée dans la ville, au niveau de Singers, en direction de l’Institut de Goma (Instigo). Mais il précise qu’elle ne reflète en rien une manifestation contre le président Tshisekedi. Il ajoute qu’aucune marche de ce type n’a été organisée à Goma le 10 juillet. Aucune source crédible n’a relayé une quelconque manifestation politique contre Félix Tshisekedi à cette date à Goma ou Bukavu.

En effet, le 15 mai 2024, une cérémonie officielle a bien eu lieu à Goma en hommage aux victimes du bombardement du 3 mai, attribué aux rebelles du M23. Selon les autorités congolaises, ce bombardement dans un camp de déplacés a fait 35 morts. Des sources humanitaires, elles, ont évoqué une quinzaine de victimes.

Lors de la cérémonie, le ministre des Affaires sociales de l’époque, Modeste Mutinga, a déclaré que « le Rwanda, principal auteur des bombardements de Mugunga et Lushagala finira par répondre de ses actes devant la Cour internationale de Justice pour avoir violé délibérément les dispositions du droit international humanitaire en s’attaquant aux populations civiles innocentes et sans défense ».

Le médiateur de paix Sumbu Sita Mambu, haut représentant du chef de l’État en République démocratique du Congo (à gauche), et le secrétaire exécutif du groupe armé M23 soutenu par le Rwanda, Benjamin Mbonimpa (à droite), échangent des documents après avoir signé un accord de cessez-le-feu à Doha, capitale du Qatar, le 19 juillet 2025, afin de mettre fin aux combats qui ont dévasté l’est du pays, riche en minerais mais déchiré par le conflit. La trêve a été convenue dans une déclaration de principes signée par les deux parties après trois mois de pourparlers au Qatar. Elle fait suite à un accord de paix entre le Congo et le Rwanda signé à Washington le mois dernier. (Photo de Karim JAAFAR / AFP).

Cette vidéo détournée surgit alors que des efforts diplomatiques sont en cours pour apaiser les tensions dans l’est du pays. Le 27 juin, la RDC et le Rwanda ont signé un accord de paix à Washington, sous la médiation américaine. Le 19 juillet, à Doha, Kinshasa et le M23 ont conclu une déclaration de principes après trois mois de discussions directes, posant les bases d’un futur accord de paix, attendu autour le 18 août.

Astuces pour la vérification

Pour éviter d’être manipulé par des vidéos détournées, il faut notamment observer les détails visuels (pancartes, uniformes, inscriptions), faire une recherche inversée d’images, comparer avec les archives de médias crédibles, consulter des témoins ou des journalistes présents lors de l’événement.

La rumeur de la semaine est une rubrique pour décrypter les fausses informations qui circulent sur nos réseaux sociaux et au sein de nos communautés locales sur le terrain.