Sur Internet, l’imitation de l’identité visuelle d’institutions officielles, y compris des gouvernements, est une des formes répandues de désinformation. Cette technique rend les fausses informations plus crédibles et permet de tromper facilement l’opinion. Début juillet, un communiqué attribué au ministère congolais de la Communication et médias a fait le tour des réseaux sociaux et des messageries cryptées tel que WhatsApp. Son contenu suggère un ultimatum du gouvernement congolais au Rwanda en vue du retrait de son armée de la RDC. Ce communiqué qui reprend les codes graphiques officiels de la RDC est pourtant un faux.
Dimanche 6 juillet, un document de 4 pages, affichant l’en-tête du ministère de la Communication et Médias, est devenu viral sur WhatsApp sous format PDF, avec la mention « transféré de nombreuses fois ». Très vite, le document a également été partagé sur d’autres réseaux sociaux, notamment Facebook et X (anciennement Twitter). Avec le titre « réitération des engagements de l’accord de Washington et ultimatum adressé au Rwanda », le document a été présenté comme la position officielle de la RDC suite aux déclarations du président rwandais Paul Kagame.
Indices de fausseté
En observant de près le document, les équipes de Vunja Uongo, la cellule de vérification du Studio Hirondelle, ont pu déceler plusieurs indices de non authenticité. Le premier élément est la date de publication : un dimanche. Sauf urgence impérieuse, les communications officielles ne sont généralement pas rendues publiques un jour non ouvrable. Mais les doutes se sont intensifiés à la lecture du contenu. Le faux communiqué a affirmé notamment que l’accord de paix, signé le 27 juin, oblige le Rwanda à un « retrait sans condition de ses troupes et à cesser tout soutien militaire, logistique ou financier aux groupes armés opérant sur le sol congolais, notamment le M23 et ses ramifications, dans un délai de 90 jours ». Une disposition non reprise textuellement dans la version authentique de l’accord.

Pire encore, le document a prétendu un « délai strict de 90 jours au Rwanda pour se conformer à l’accord de Washington ». Dépassé cette mise en demeure, la RDC se serait décidée à reconquérir Goma, Masisi, Minova, Bukavu, Kamanyola, Luvungi et toute autre localité sous occupation par la force mais aussi à « poursuivre toute base ennemie au-delà de ses frontières, y compris jusqu’au Rwanda ». Ces propos, en totale contradiction avec la posture diplomatique actuelle de Kinshasa, ont immédiatement éveillé les doutes au sein de l’équipe Vunja Uongo.
Incohérences visuelles et réaction officielle
D’autres vérifications plus poussées ont rapidement confirmé les soupçons. Le document n’est en effet visible sur aucun compte officiel des ministères ou de la présidence. En comparant ce faux communiqué avec de véritables publications du ministère de la Communication et des Médias, des incohérences flagrantes sont apparues. Premièrement, l’en-tête : sur les communiqués officiels, les armoiries et l’intitulé du ministère sont toujours alignés au coin supérieur gauche, et non centrés. Les trois derniers communiqués authentiques du ministère, datant de mars et février 2025, ainsi que de décembre 2024, confirment cette disposition.
Deuxièmement, le positionnement de la date. Sur le document en circulation, elle est placée en dessous du titre, alors que la règle gouvernementale la veut en début de corps de texte. Enfin, la présence d’une signature en pied de page du communiqué, avec le nom du ministre, est anormale. Les communiqués de presse officiels du gouvernement ne sont pas signés. Cette particularité a présagé que le faux document avait été monté sur la base d’un compte-rendu de conseil des ministres, qui, lui, suit ce type de mise en page.
Du côté officiel, la réaction n’a pas tardé. Patrick Muyaya, ministre de la Communication et des Médias, a formellement démenti l’authenticité du document, le qualifiant de « torchon » et appelant les citoyens à s’abstenir de le relayer.
Les faux propos attribués à Boulos
La manipulation autour de l’accord de paix ne se limite pas à ce seul communiqué. Une vidéo explicative générée par intelligence artificielle a également circulé sur les réseaux sociaux, attribuant de faux propos à Massad Boulos, conseiller principal à la Maison Blanche pour l’Afrique. « Si le Rwanda ne se retire pas immédiatement du territoire congolais, des mesures, économiques, politiques et militaires seront déclenchées contre le régime de Paul Kagame », aurait ainsi déclaré Boulos, selon les propos rapportés par la voix-off de cette vidéo IA.

Pourtant, le conseiller de Trump n’a jamais tenu ces propos. Le 3 juillet dernier, sur France 24, il avait précisé que le retrait des troupes rwandaises doit se faire simultanément avec la neutralisation des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR).
La même vidéo a également annoncé la fin des négociations à Doha, entre le gouvernement de Kinshasa et l’Alliance Fleuve Congo-Mouvement du 23 mars (AFC/M23), sur décision du Qatar, accusant les rebelles de vouloir saboter les pourparlers. Cette affirmation est pourtant fausse. Les négociations de Doha se poursuivent normalement avec un cinquième round lancé depuis le 9 juillet. Les deux parties y ont envoyé une représentation de haut niveau, selon des informations de RFI.
Quid de l’accord de Washington ?
Pour rappel, l’accord de Washington, signé le 27 juin, est un texte avec neuf points clés. Il aborde des thèmes essentiels tels que l’intégrité territoriale et l’interdiction des hostilités, le désengagement, le désarmement et l’intégration des groupes armés non étatiques, le mécanisme conjoint de coordination de la sécurité, ou encore les questions humanitaires concernant les réfugiés et déplacés internes. En clair, la RDC et le Rwanda se sont engagés à cesser immédiatement et sans condition tout soutien étatique aux groupes armés non étatiques, sauf si cela est nécessaire pour faciliter la mise en œuvre de l’accord. Un mécanisme conjoint est prévu pour s’assurer de la « fin irréversible et vérifiable du soutien de l’État [congolais, ndlr] aux FDLR et aux groupes armés associés ».
Circulant de manière multiforme, la désinformation impose plus de vigilance, y compris face à un document avec des éléments d’authentification apparents comme un logo ou une date. La prudence est conseillée pour ne pas tomber dans la manipulation.
La rumeur de la semaine est une rubrique pour décrypter les fausses informations qui circulent sur nos réseaux sociaux et au sein de nos communautés locales sur le terrain. Un décryptage réalisé par Vunja Uongo, l’équipe de la cellule de vérification du Studio Hirondelle RDC.