🎧 Non, la RDC n’est pas devenue un protectorat des Etats-Unis

Les négociations en cours entre la République démocratique du Congo, le Rwanda et les Etats-Unis offrent un terrain propice à la désinformation et aux affirmations biaisées. Sur les réseaux sociaux, certaines publications ont faussement affirmé que la RDC serait devenue un protectorat des USA dans le cadre d’un accord de « mines contre appui sécuritaire ». Une affirmation trompeuse, alors que les négociations en cours ne visent pas à confier aux Américains la gestion des terres congolaises. Décryptage.

« La RDC est désormais un protectorat des États-Unis au même titre que les Émirats Arabes Unis, Porto Rico, la Corée du Sud ou le Japon. Les responsables des agences de sécurité des USA ont tenu une réunion au cours de laquelle ils ont défini le plan pour la sécurité de la RDC où des milliards seront investis », lit-on sur des publications sur Facebook et  X. Pourtant, cette affirmation est fausse.

Dans sa démarche de vérification Pour vérifier ce contenu, Vunja Uongo, la cellule de vérification du Studio Hirondelle RDC, a croisé la législation congolaise avec les informations disponibles sur les négociations en cours.

En RDC, le principe de souveraineté est sacré et consacré dès le premier article de la Constitution. « La République Démocratique du Congo est, dans ses frontières du 30 juin 1960, un Etat de droit, indépendant, souverain, uni et indivisible, social, démocratique et laïc », dispose le premier alinéa de cet article de la Loi fondamentale. À ce titre, la RDC est membre des Nations Unies, avec son propre gouvernement, ses institutions et sa pleine indépendance. Ces réalités permettent de démonter l’affirmation, car un protectorat supposerait qu’un autre État prenne le contrôle des affaires étrangères, et parfois même d’une partie des affaires intérieures de la RDC.

Aucune intention de faire de la RDC un protectorat

Depuis le début des négociations entre Kinshasa et Washington, plusieurs officiels ont réaffirmé cet attachement au principe de souveraineté de la RDC. Le 5 mai en marge de la Journée mondiale de la liberté de la presse, le président Tshisekedi a dénoncé ces discours évoquant un abandon de souveraineté qui seraient, selon lui, relayés sans vérification par une partie de la presse. « Ces allégations naturellement infondées relèvent souvent des campagnes visant à affaiblir notre souveraineté économique et à miner les efforts de repositionnement stratégique de notre pays sur la scène mondiale », a-t-il déclaré.

Deux semaines après lors de la plénière du 20 mai, Vital Kamerhe, président de l’Assemblée nationale, a rassuré les députés sur la nature de l’accord en discussion. Cet accord, une fois approuvé par les deux parties, fera l’objet d’un examen minutieux, conformément aux lois en vigueur. « Il n’y aura ni bradage de nos ressources naturelles, ni remise en cause de l’intégrité territoriale de notre pays. Nous serons aux côtés du Président pour défendre la souveraineté nationale », a souligné le speaker de la Chambre basse du parlement.

Le même discours est également tenu par le gouvernement. Son porte-parole, le ministre de la Communication et des Médias, Patrick Muyaya, a expliqué que le premier principe des négociations en cours entre Kinshasa et Washington reste « la souveraineté et l’intégrité territoriale de la RDC ». Un principe qui, selon ses mots, prime même sur les préoccupations sécuritaires.

L’ONU a d’ailleurs réaffirmé son attachement à la souveraineté et l’intégrité territoriale de la RDC, notamment dans la résolution 2773, adoptée le 21 février 2025 au Conseil de sécurité, insistant au passage sur les principes de « non-ingérence, de bon voisinage et de coopération régionale [qui] doivent être pleinement respectés ». La souveraineté de la RDC est également consacrée dans la déclaration des principes signée le 25 avril 2025 entre Kinshasa et Kigali, sous médiation américaine. De plus, aucun rapport ne fait état d’une réunion d’agences de sécurité américaines ayant décidé d’un plan spécifique pour la sécurité du pays.

Protectorat, un régime dépassé

Contrairement à ce qu’affirment ces publications, les pays cités aux côtés de la RDC ne sont pas non plus des protectorats américains. Les Émirats arabes unis sont une fédération de monarchies indépendantes. La Corée du Sud et le Japon sont deux démocraties souveraines, partenaires stratégiques des États-Unis, mais leur indépendance n’est pas remise en cause. Porto Rico, quant à lui, est un territoire non incorporé des États-Unis, ce qui lui confère un statut particulier. Il n’est ni un État indépendant, ni un protectorat au sens classique.

En effet, un protectorat est un régime juridique dans lequel un État puissant assure la protection d’un autre, en échange d’un certain contrôle sur ses affaires étrangères, sa sécurité et parfois même son administration. C’est une forme de domination coloniale atténuée, souvent appelé sujétion coloniale, où les institutions du pays protégé subsistent, mais où l’État protecteur dirige la diplomatie, le commerce extérieur et éventuellement l’armée de l’État sous protectorat. Officiellement, ce régime n’existe plus aujourd’hui. Tous les anciens protectorats ont soit été intégrés à d’autres entités, soit sont devenus indépendants.

L’annonce de la transformation de la RDC en un protectorat des Etats-Unis a suscité des réactions partagées. Certains y ont vu une promesse de stabilité, d’autres une forme de recolonisation. Sur Internet, les sujets liés à l’influence étrangère ou au néocolonialisme sont régulièrement à l’origine de campagnes de désinformation. Ainsi, la vérification et le croisement des sources restent cruciaux.

La rumeur de la semaine est une rubrique pour décrypter les fausses informations qui circulent sur nos réseaux sociaux et au sein de nos communautés locales sur le terrain. Un décryptage réalisé par Vunja Uongo, l’équipe de la cellule de vérification du Studio Hirondelle RDC.