Les autorités de la RDC s’engagent dans une lutte contre l’incivisme fiscal

La République Démocratique du Congo peine à mobiliser les recettes. Situation due notamment au manque de culture fiscale et une mauvaise gestion des deniers publics. Cela concerne aussi bien le gouvernement central que les provinces. Cette faible mobilisation des recettes est considérée comme l’un des obstacles majeurs au développement. Pour inverser la tendance, les autorités lancent une campagne de civisme fiscal et gestion responsable des deniers publics.

‘’L’impôt servait à alimenter la colonisation et était perçu à coup de fouet. L’indépendance était vue comme une délivrance à cela. Malheureusement on n’a pas eu de message pour faire comprendre son importance pour le pays devenu indépendant’’’, affirme Jacques Kambala, coordonnateur adjoint de la Coordination pour le changement des mentalités. La CCM pilote depuis le 11 septembre la campagne de sensibilisation sur le civisme fiscal et la gestion responsable des deniers publics qui doit durer six mois. Elle vise à inculquer aux citoyens la culture fiscale mais aussi à  décourager des pratiques comme la corruption et le détournement.

Rares sont les congolais qui s’acquittent régulièrement de leurs obligations fiscales constatent les régies financières tant nationales que provinciales. La situation de la capitale congolaise en dit long. En 2020, la Direction générale des recettes de Kinshasa (DGRK), comptait près de 100.000 assujettis enregistrés, dans une ville de plus de 10 millions d’habitants. Moins de 30 % de contribuables répertoriés étaient en ordre avec les fiscs.

Assujettis non informés, autorités non-redevables

Lorsqu’on interroge des passants à Mbandaka, chef-lieu de l’Equateur, la majorité affirme ignorer l’existence des impôts provinciaux. ‘’J’ai déjà entendu parler de l’impôt foncier par des proches, mais je n’ai jamais vu des agents de l’Etat me le réclamer. Si l’argent de l’impôt est important, les responsables de la province doivent en faire le suivi’’, déclare Bibiche, propriétaire d’une parcelle depuis 5 ans. Pour Jean-Marie Nondo, Directeur des impôts à la régie provinciale de l’Equateur, les moyens financiers manquent pour mettre en œuvre le plan de vulgarisation de sa politique fiscale.

La société civile, elle, fustige l’absence de redevabilité dans le chef des autorités. ‘’L’Etat ne fait pas suffisamment d’efforts pour faire comprendre le bien-fondé du payement des impôts à la population. Cette dernière voit l’impôt comme une tracasserie’’, estime Fabien Mugunza, Président de la société civile de l’Equateur.

Redevabilité pour promouvoir le civisme fiscal

Pour inciter les populations à s’acquitter de l’impôt, la ville de Kinshasa a pris certaines décisions en faveur des contribuables, notamment la baisse de l’impôt foncier de plus de 50%. Mais cela n’a pas fait évoluer la situation. ‘’Ce qui est fait, doit être montré afin d’inciter, de faire comprendre à tous ceux qui paient, que leur argent n’est pas jeté à la mer. Mais cela sert à quelque chose pour des besoins d’utilité publique’’, suggère Christian Kahobe, expert en fiscalité.

Dans le Nord-Kivu, la Direction Générale des Recettes mène également une campagne de sensibilisation sur la fiscalité. Une activité continue lancée au début de l’année 2021. Les résultats, à ce stade, sont satisfaisants. En dépit de la crise liée à la pandémie de Covid-19, des contribuables s’acquittent de plus en plus de leurs obligations fiscales, constate la régie financière. Elle entend mobiliser le maximum de recettes pour financer le programme du gouvernement provincial. Certains commerçants rencontrés au cœur du quartier commercial connu sous le nom de Birere, affirment s’acquitter de leurs obligations fiscales pour contribuer au développement de la province et du pays.

Exonérations

A la DGR NK, on salue une appropriation du civisme fiscal, même s’il est encore difficile d’atteindre les assignations mensuelles. Parmi les obstacles, il y a des exonérations dont bénéficient certains opérateurs économiques ou politiques, aux dépens du trésor public. Celui-ci perd, chaque mois plus de  500. 000 dollars américains, soit plus d’un milliard de francs congolais. Ce qui représente un quart des recettes attendues. C’est-ce qu’affirme Tom Amuri Bin Aradjabu, Directeur de la taxation, ordonnancement et documentation à la Direction Générale des Recettes du Nord-Kivu.

La principale inconnue, à l’heure actuelle, reste le niveau de mobilisation que la République Démocratique du Congo va atteindre à la suite de la sensibilisation, mais aussi l’affectation de ces recettes.