La réparation des victimes des crimes graves fait toujours défaut en RDC© DIDI BUNAKIMA/SHRDC
La Fondation Panzi lors d'une action de réparation intérimaire des victimes des conflits dans le Sud-Kivu

La réparation des victimes des crimes graves fait toujours défaut en RDC

De Kisangani, théâtre de la guerre de six jours en 2000, à Minova, lieu de viols massifs en 2012, en passant par le Kasaï où un scénario similaire s’est produit en 2016, des victimes réclament toujours réparation. Les autorités affichent la volonté de résoudre le problème. Le gouvernement a annoncé, fin mars, la création d’un fonds de réparation en faveur des victimes des crimes graves. Son effectivité se fait attendre.

« Leur chef a donné l’ordre qu’on brule ma maison. Et ils ont largué dans la maison 32 explosifs », témoigne Jean-Baptiste, l’une des victimes de la guerre de six jours en juin 2000 à Kisangani. Il a perdu sa maison et tous ses biens lors des affrontements entre armées rwandaise et ougandaise. Tout de suite après les hostilités, il a déposé une plainte espérant une indemnisation. En janvier 2021, plus de 20 ans après les faits, des victimes reçoivent une première assistance des autorités. Il ne s’agit guère d’une indemnisation déclare Jean-Baptiste qui n’a pu toucher que 150 dollars américains. ‘’C’est une moquerie’’, lance-t-il.

Détournements des fonds destinés aux victimes

Une partie des fonds destinés aux victimes de cette guerre à l’arme lourde,  a été détournée. Des listes des victimes fictives ont été  introduites au détriment des vraies victimes. Quelques personnes sont arrêtées et incarcérées jusqu’à ce jour, dans le cadre de ce dossier. Parmi elles, le président de l’association des victimes ainsi que l’ancien président de la Société civile de la province.

De Kisangani rendons-nous dans le Kasaï. Région secouée, entre 2016 et 2017, par un conflit armé dit « Kamwuina Nsapu ». En septembre 2016, des dizaines de femmes sont victimes de viols collectifs sur le site de Mulombodi, près de l’aéroport de Kananga. Actes attribués aux forces de sécurité venues traquer des présumés miliciens Kamwina Nsapu qui se seraient refugiés sur le site. Souffrances corporelles, ruptures de familles, et stigmatisation, voilà quelques conséquences de ce drame que les victimes peinent à supporter. « J’éprouve des difficultés pour vivre parce que les militaires avaient tout emporté et j’étais même répudiée par mon mari. Car dans certaines cultures, le mariage n’existe plus avec un viol »,  nous relate cette femme, assise sur un tabouret devant sa maison. Comme elles, d’autres survivantes vivent dans la précarité.

Des réparations ‘’intérimaires’’ pour les survivantes

Cinq ans après, les victimes réclament toujours réparation de la part de l’Etat. Mi-juillet 2021, Environ 350 ont bénéficié des réparations intérimaires individuelles, de la part de la Fondation Panzi, avec le Fonds Mondial pour les Survivants (es) des violences sexuelles. Au total 470 survivantes reçoivent ce kit à Kananga.

Un dossier judiciaire a déjà été ouvert au niveau de la justice militaire. Mais la lenteur du dossier inquiète des organisations de la Société Civile, à l’instar de la Société Congolaise pour l’Etat de Droit. Le directeur général de cette organisation, Dominique Kambala appelle l’Etat à apporter une réponse rapide aux besoins de ces victimes.

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Les viols massifs, il y en a eu aussi à Minova, dans le Sud-Kivu, lors d’une attaque des présumés militaires de l’armée congolaise. Malgré des condamnations prononcées en 2014 à l’issue d’un procès sur cette affaire, l’Etat n’a toujours pas réparé ces préjudices. Plus de 200 survivantes de violences sexuelles à Minova dans le Sud-Kivu viennent de bénéficier des réparations intérimaires. Elles ont reçu, les 20 et 21 juillet, un kit de réinsertion de la part de la Fondation Panzi.

Cette trentenaire a été violé en présence de ses enfants dans le camp de déplacé de Mubimbi. Elle présente ses agresseurs comme des militaires congolais. « Deux d’entre eux étaient entrés dans la maison. L’un deux m’a bousculé, je suis tombé…Son compagnon a commencé à me violer’’, témoigne-t-elle. Le temps n’a pas pu réparer les dommages subis. L’état de santé de certaines victimes a été affecté. Mais ces femmes et filles n’ont pas reçu de soins appropriés. Quelques-unes témoignent. Certaines se voient stigmatisées et dénigrés.

La réparation est possible

Face à ces préjudices subis, la Fondation du Prix Nobel de la Paix Denis Mukwege apporte également une réponse aux 242 survivantes, à travers le son projet de réparation intérimaire. La réparation est possible, c’est le message lancé, explique Thésée-Aurore MAKABA, chef du projet. ‘’Nous réalisons les réparations en attendant que l’Etat congolais réalise lui-même ces réparations’’, souligne-t-elle.  Si les bénéficiaires saluent le geste de la Fondation Panzi et le Fonds Mondial pour les Survivantes des Violences sexuelles, elles le jugent insuffisant par rapport à leurs besoins.

Côté Gouvernement, on se veut rassurant. Le Fonds National de réparation en faveur victimes des crimes graves sera bientôt effectif, d’après le Ministre national des droits humains, Albert-Fabrice Puela. L’établissement public permettra de résoudre le problème de réparations.