Le 21 mai, le président des États-Unis, Donald Trump, a reçu son homologue sud-africain Cyril Ramaphosa à la Maison Blanche. Au cours des échanges, Trump a brandi des images montrant des scènes d’enterrement pour étayer ses accusations d’un “génocide blanc” qui serait en cours en Afrique du Sud. En réalité, ces photos n’ont rien à voir avec le pays de Mandela. Plusieurs de ces clichés ont plutôt été prises en République démocratique du Congo.
Sur Facebook, une photo montrant Donald Trump tenant un papier avec une scène d’enterrement par des secouristes a même prétendu qu’il s’agit de la reconnaissance publique du génocide congolais par le président américain. L’auteur prétend que Trump, par conviction, a “révélé les images du génocide en RDC”. Retour sur ce cas de double détournement d’images avec Trump qui utilise une photo de la RDC pour prétendre des massacres en Afrique du Sud avant que ce cliché montrant le président des États-Unis tenant cette photo détournée ne soit faussement présentée comme une sensibilisation au génocide congolais.
Selon des publications largement relayées sur la toile congolaise, le président des États-Unis aurait ainsi entrepris de s’organiser pour montrer au monde qu’un génocide est en cours en RDC. “Je crois que la France et les autres pays qui soutiennent Kagame ont maintenant honte de leurs actes contre la RDC. Donald Trump devient l’un des nôtres, à l’exception des minerais”, lit-on sur une de ces publications.
Cependant, une recherche d’images inversées a permis de trouver le contexte de cette photo sortie de son contexte. Au cours de son échange avec Ramaphosa, Trump n’a jamais évoqué le génocide congolais. Vunja Uongo, la cellule de vérification du Studio Hirondelle RDC, a revu en intégralité l’échange filmé entre les deux chefs d’État. Selon Trump, cette photo montrerait plutôt l’enterrement des agriculteurs blancs sud-africains, victimes de “génocide” au pays de Mandela.
Mais là encore, une autre recherche d’images inversées a établi que ces allégations sont fausses. Les images proviennent plutôt de la République démocratique du Congo et ont été filmées à Goma, le 3 février, par le journaliste Djaffar Al Katanty pour le compte de l’agence Reuters. Le cliché montre des travailleurs humanitaires soulevant des sacs mortuaires dans la ville de Goma et n’a aucun lien avec l’Afrique du Sud.
“Genocost”, un génocide pas trop médiatisé
En RDC cependant, le gouvernement congolais pousse pour obtenir la reconnaissance internationale de ce génocide. Sur le plan national, une date, le 2 août, a même été retenue pour commémorer ces millions de morts, baptisée Genocost, un mot valise composé de “génocide” et de l’anglicisme “cost”, coût en français. Le choix de ce mot met en avant les considérations économiques de la guerre dans l’Est. Selon les autorités congolaises, Genocost renvoie donc au génocide congolais à des fins économiques.
Déjà, une sensibilisation est menée dans le pays pour l’appropriation du génocide, via notamment deux structures étatiques : la Commission interministérielle d’aide aux victimes et d’appui aux réformes (CIA-VAR) et le Fonds national de réparation des victimes de violences sexuelles liées aux conflits et crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité (FONAREV).
“15 millions de morts en RDC depuis 1994”
Toutefois, ce combat pour la reconnaissance publique est loin d’être gagné. La déclaration d’un génocide en droit international reste surtout un processus complexe qui peut impliquer plusieurs acteurs et instances, même s’il n’y a pas une seule entité qui a le pouvoir unilatéral de “déclarer” qu’un génocide est en cours de manière contraignante pour tous.
Le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) peut ouvrir une enquête sur des allégations de génocide si les critères de juridiction sont remplis. Aussi, un État peut poursuivre un autre État devant la Cour internationale de justice (CIJ) pour violation de la Convention sur le génocide, en affirmant que cet autre État n’a pas respecté ses obligations de prévenir ou de punir le génocide. Le verdict de la CIJ peut conclure que des actes génocidaires ont eu lieu. Enfin, le Conseil de sécurité des Nations-Unies peut reconnaître l’existence d’une situation génocidaire, ou même d’un risque imminent afin de prendre des mesures pour l’arrêter, y compris en autorisant des interventions militaires ou en imposant des sanctions.
Kinshasa revendique au moins 15 millions de morts enregistrés dans sa partie Est depuis 1994, année du génocide rwandais qui, lui, a fait environ 840.000 victimes. Malgré ces chiffres, les avis divergent, au point d’alimenter la désinformation. Cette rumeur d’une prétendue sensibilisation au génocide congolais par Donald Trump est apparue dans un contexte de négociations entre les États-Unis et la République démocratique du Congo pour un accord stratégique portant sur les minerais contre un appui sécuritaire. Washington mène également une médiation pour rapprocher Kinshasa et Kigali dans le cadre d’un accord de paix. Ainsi, des internautes ont brandi cette information erronée comme une prise de position du gouvernement américain, avec le risque de plomber les efforts de paix.
Sur Internet, la diffusion d’informations contradictoires et erronées peut créer la confusion et la panique au sein des populations car elle rend difficile la prise de décisions éclairées pour leur sécurité et peut créer de faux enthousiasme dans l’opinion. Il est donc crucial de toujours vérifier avant de partager, même quand l’image semble être éloquente.
La rumeur de la semaine est une rubrique pour décrypter les fausses informations qui circulent sur nos réseaux sociaux et au sein de nos communautés locales sur le terrain. Un décryptage réalisé par Vunja Uongo, l’équipe de la cellule de vérification du Studio Hirondelle RDC.