🎧 Faux ! Aucun communiqué officiel de Kabila n’annonce son intention de reprendre le pouvoir

Depuis le 14 septembre, un document présenté comme une « déclaration solennelle » de Joseph Kabila circule en ligne, publié en primeur par un compte X certifié portant le nom de l’ancien président de la République. Cette présomption d’authenticité a contribué à la viralité du document, vu par plus de 200.000 personnes en quelques jours. Mais après vérification, Vunja Uongo a établi que le document est faux et le compte non authentique.

« J’ai quitté le pouvoir en respectant la Constitution et en laissant la place à une alternance pacifique. Beaucoup ont cru que c’était la fin de mon parcours politique. Mais je vous dis aujourd’hui : ce n’était qu’une pause. J’ai vu, comme vous, l’état de notre pays depuis mon départ : les promesses non tenues, les divisions, les souffrances qui s’aggravent. Ceux qui m’ont remplacé n’ont pas apporté la paix ni la prospérité », lit-on dans ce document d’une page, largement repris par des comptes et pages sur les réseaux sociaux, mais aussi par des médias en ligne, pour une portée globale d’environ un million d’internautes touchés.

Le contenu suggère que l’ancien président de la République démocratique du Congo (RDC) s’est engagé à ne plus « rester spectateur », mais à « reprendre les responsabilités suprêmes de la Nation ».

Une déclaration non authentique

L’analyse du document a permis de déceler plusieurs éléments douteux. En plus du ton vraisemblablement improvisé, la déclaration attribuée à Kabila présente des incohérences avec ses récentes sorties publiques au cours desquelles il a prôné un dialogue national. De plus, ni son entourage, ni ses canaux habituels n’ont partagé le document.

Barbara Nzimbi, chargée de communication de Joseph Kabila, a qualifié ce texte de « tract », rappelant que toute sortie médiatique de l’ancien président passe par le bureau de communication qu’elle dirige. De leur côté, Patient Sayiba, proche collaborateur, et Barnabé Kikaya, conseiller politique, ont fermement démenti toute annonce de ce type. « Aucune déclaration du Président Joseph Kabila Kabange n’est prévue ni aujourd’hui, ni demain, même pas au courant de la semaine. Toute prise de parole du Président Joseph Kabila a toujours été annoncée par les canaux officiels de son cabinet. Il n’attend pas de déroger à ce principe », a écrit Patient Sayiba.

La plateforme Reconstruire RDC, qui diffuse habituellement les interventions publiques de Kabila, a également pris ses distances avec ce document qui « n’a aucun lien avec le Président Honoraire Joseph Kabila Kabange ».

Le piège des comptes certifiés sur X

Le compte qui a diffusé ce faux communiqué est en réalité un compte parodique. Barbara Nzimbi avait déjà mis en garde contre celui-ci en février dernier. Sa crédibilité apparente repose sur le badge bleu de X, autrefois réservé aux personnalités authentifiées. Depuis 2022, avec la réforme introduite par Elon Musk, il suffit de payer un abonnement « X Premium » (environ 7 USD$ par mois) pour obtenir cette certification, sans vérification d’identité. Résultat : de nombreux comptes usurpateurs peuvent paraître officiels aux yeux du pub.

Le vide numérique laissé par Joseph Kabila renforce la crédibilité du compte parodique. Absent de tous les réseaux sociaux, l’ancien président avait lancé, le 25 février, un compte X (@JKabilaKabange), suspendu quelques heures après sa création suite au fort engouement, laissant le champ libre aux imitateurs.

Kabila au centre d’une affaire judiciaire

La déclaration faussement attribuée à Joseph Kabila est apparue dans un contexte où l’ancien président est redevenu un sujet brûlant de l’actualité congolaise. Une technique prisée des créateurs de désinformation qui surfent souvent sur l’actualité. Poursuivi devant la Haute cour militaire, l’ex-Chef d’État est accusé de complicité avec les rebelles de l’Alliance Fleuve Congo/M23 et de crimes graves ; des griefs qu’il rejette. Selon lui, aucune preuve tangible n’a été présentée pour étayer ces accusations.

Le 2 septembre, dans une déclaration relayée par Jeune Afrique, il a qualifié ces poursuites de « politiquement motivées » et a plaidé pour un dialogue national. Aucune mention d’un retour au pouvoir n’a été faite.

Cette désinformation illustre une nouvelle fois les dérives liées à la certification payante sur X et la facilité avec laquelle des comptes non officiels peuvent tromper le public. Face au risque élevé de manipulation, il est important de rester vigilants et d’analyser tous les contours des contenus en ligne, y compris ceux véhiculés par des comptes aux apparences authentiques. L’usurpation d’identité demeure un des vices parmi les plus répandus sur la toile.

La rumeur de la semaine est une rubrique pour décrypter les fausses informations qui circulent sur nos réseaux sociaux et au sein de nos communautés locales sur le terrain.