🎧 Martin Fayulu n’a pas qualifié de rebelle tout celui qui prend les armes contre la nation

Une fausse citation attribuée à l’opposant Martin Fayulu circule sur les réseaux sociaux, le présentant comme ayant qualifié de « rebelle » tout celui qui prend les armes contre la RDC. Après vérification, il s’avère que ces propos ont été et sortis de leur contexte, et datent d’une intervention de juillet 2025 à l’Université Libre de Kinshasa, sans aucun lien direct avec l’actualité politique récente.

Le message publié sur X par Yves Buya, un internaute qui se présente comme journaliste engagé et suivi par plus de 190 000 abonnés, a dépassé les 40 000 vues. On peut y lire : « Martin #FAYULU : “On m’a volé la victoire en 2018 par le régime actuel, est-ce que j’ai pris les armes ? On m’a tiré une balle sous ce régime, est-ce que j’ai pris les armes ? Celui qui prend les armes, peu importe le motif, contre sa nation c’est un rebelle et ne mérite pas notre respect.” Congo mon pays ».

Le tweet a ensuite été relayé par Peter Tiani, autre utilisateur très suivi qui se présente comme, cumulant 65 000 vues et plus de 230 partages. La même citation a circulé sur Facebook, X et Instagram, avant d’être reprise dans un article du site Presseactu.net, qui affirmait : « Dans un contexte d’insécurité dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), l’opposant Martin Fayulu a qualifié ce lundi 20 octobre de “rebelle” toute personne prenant les armes contre sa propre nation, estimant qu’elle “ne mérite aucun respect” »

Une ancienne déclaration modifiée et sortie de son contexte

En réalité, cette citation n’est ni récente, ni exacte. En plaçant la prétendue déclaration entre guillemets dans la barre de recherche de X, nous avons retrouvé un tweet du journaliste Stanys Bujakera du 26 juillet.

Ce dernier y partageait une vidéo de Martin Fayulu, enregistrée à l’Université Libre de Kinshasa (ULK). Dans cette séquence, l’opposant affirmait avoir été victime d’un hold-up électoral lors de la présidentielle de 2018 et avoir reçu une balle [en caoutchouc, ndlr] à la tête sous le régime de Joseph Kabila, sans jamais avoir pris les armes. Mais à aucun moment, il n’a qualifié de rebelles ceux qui le feraient.

En recherchant les mots-clés « Martin Fayulu ULK » sur YouTube, nous avons retrouvé la vidéo complète sur la chaîne Presse MAFA, publiée le 26 juillet 2025.

À 1h28’, Martin Fayulu évoque effectivement la fraude électorale et les violences subies, mais sans mentionner le mot « rebelle » ni attaquer Félix Tshisekedi.

Notre vérification sur les comptes X de Martin Fayulu, de son parti ECIDé, et de la plateforme Lamuka, n’ont révélé aucune trace d’une telle déclaration. Contacté pour réagir, Prince Epenge, porte-parole de Lamuka, n’a pas donné suite à notre demande d’entretien.

Le contexte politique : lancement du Mouvement Sauvons la RDC

La désinformation est apparue quelques jours après le conclave des forces politiques et sociales tenu du 14 au 15 octobre 2025 à Nairobi, sous la direction de Joseph Kabila. Cette rencontre a abouti au lancement du mouvement Sauvons la RDC, qui affirme vouloir mettre fin à la « dictature » du président Félix Tshisekedi et restaurer l’autorité de l’État. Des figures telles que Franck Diongo, Augustin Matata Ponyo, Seth Kikuni, Jean-Claude Mvuemba et Théophile Mbemba y ont participé, tandis que d’autres opposants, dont Martin Fayulu, sont restés loin et silencieux.

Dans une de ses récentes publications sur X qui remonte au 10 octobre, l’opposant appelait à un dialogue inclusif pour restaurer la cohésion nationale. Selon lui, la crise actuelle en RDC découle de causes internes (institutions illégitimes, corruption, impunité, armée faible) et externes (convoitise du Rwanda et de l’Ouganda, complot de balkanisation du pays).

Le 5 juin, Martin Fayulu avait été reçu par le président Félix Tshisekedi au Palais de la Nation, à la suite d’un appel au « sursaut d’honneur » pour préserver l’unité nationale. 

Dans un tweet du 2 juin, il s’adressait à Corneille Nangaa, ancien président de la Commission électorale devenu leader du mouvement politico-militaire AFC/M23, en ces termes : « cessez d’être complices des massacres de nos frères et sœurs. Cessez de livrer notre sol, nos vies et nos ressources aux forces étrangères. Le sang congolais ne doit plus couler avec votre complicité ». 

« Aucune raison, même stratégique, ne saurait justifier une collaboration avec ceux qui déchirent notre pays. Le seul chemin vers la rédemption de nos erreurs passées, c’est le dialogue, pas la compromission », lançait-il, dans la même déclaration à Joseph Kabila, l’ancien chef de l’Etat condamné à mort par la Haute cour militaire fin septembre.  

Des pistes pour éviter de tomber dans la désinformation 

Les fausses citations et les montages de déclarations politiques sont des armes de manipulation fréquemment utilisées en ligne. Pour ne pas se laisser piéger : toujours remonter à la source de l’information, effectuer des recherches par mots-clés sur les réseaux sociaux et les moteurs de recherche, consulter les archives en ligne de médias crédibles, et, lorsque c’est possible, contacter directement la personne citée.

La rumeur de la semaine est une rubrique pour décrypter les fausses informations qui circulent sur nos réseaux sociaux et au sein de nos communautés locales sur le terrain.