L’ancien président Joseph Kabila est jugé par contumace pour « crimes contre la paix »

Exilé à l’étranger, l’ancien président congolais Joseph Kabila est poursuivi pour crimes contre la paix, trahison et complicité avec le groupe armé M23 soutenu par le Rwanda. Il a été jugé par contumace lors de l’audience du 25 juillet devant la Haute cour militaire à Kinshasa.

Le procès pour « crime contre la paix » de l’ex-président de la République démocratique du Congo (RDC) Joseph Kabila, accusé de complicité avec le groupe armé M23 soutenu par le Rwanda, s’est ouvert ce vendredi 25 juillet à Kinshasa en son absence. L’audience a commencé vers 11h20 heure locale devant la Haute cour militaire dans la commune de la Gombe, à Kinshasa, capitale du pays.

M. Kabila, qui vit à l’étranger depuis plus de deux ans, avait été vu en mai à Goma, la capitale provinciale du Nord-Kivu sous contrôle des rebelles du groupe armé Mouvement du 23 mars (M23) en fin janvier. Il n’a pas été revu dans le pays depuis. Le sénateur à vie est poursuivi pour « participation à un mouvement insurrectionnel, crime contre la paix et la sécurité de l’humanité, homicide intentionnel par balles, trahison, apologie, viol, torture et déportation, occupation à force ouverte de la ville de Goma », selon l’acte d’accusation. « En complicité avec une puissance étrangère, en l’occurrence le Rwanda », M. Kabila a cherché à « renverser par la force le pouvoir légalement établi » à Kinshasa, énonce l’acte d’accusation.

Kabila, « un des initiateurs de l’Alliance fleuve Congo (AFC) »

L’ancien président de la République démocratique du Congo Joseph Kabila fait un geste lors d’une réunion avec des chefs traditionnels dans l’une de ses résidences à Goma, le 30 mai 2025. L’ancien président Joseph Kabila était de retour en République démocratique du Congo le 29 mai 2025 via Goma, une ville de l’est prise par la milice M23 soutenue par le Rwanda et dont le gouvernement l’accuse d’avoir orchestré l’offensive éclair. L’apparition de M. Kabila intervient alors que l’ancien président risque d’être jugé pour trahison en raison de son soutien présumé au M23, qui s’est emparé de pans entiers de l’est du pays, riche en ressources naturelles, avec l’aide du Rwanda. Félix Tshisekedi, son successeur à la tête de la RDC, accuse Kabila d’être le cerveau du groupe armé.
(Photo Jospin Mwisha / AFP).

Pour l’accusation, le leader du Parti du peuple pour reconstruction et la démocratie (PPRD) M. Kabila est « l’un des initiateurs de l’Alliance fleuve Congo (AFC) », branche politique du groupe armé Mouvement du 23 mars (M23). C’est dans ce contexte qu’il est accusé notamment des cas d’homicides et de viols commis par des hommes de la coalition AFC/M23 dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu.

Ces faits sont passibles de la peine de mort en  RDC, où un moratoire sur l’exécution de la peine capitale en vigueur depuis 2003 a été levé en 2024. Aucune exécution n’a cependant eu lieu depuis. 

Le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD) de Joseph Kabila a dénoncé un « procès politique » contre un adversaire et qui ne « favorise pas la cohésion nationale », a déclaré à l’AFP Emmanuel Shadari, secrétaire général de cette formation.

« Procès de la honte »

La décision de juger M. Kabila « est tout sauf un procès équitable. Avec une justice qui n’est pas indépendante, la condamnation est déjà acquise, le reste, c’est du théâtre, une mise en scène ridicule », a-t-il dit. 

« La justice ne négocie pas, (elle) va faire son travail en toute indépendance », avait réagi le vice-ministre de la Justice de RDC Samuel Mbemba, présent à l’ouverture de l’audience, interrogé par les médias.

A l’absence de Joseph Kabila, le lieutenant-général René-Lucien Likulia, procureur militaire, a demandé au tribunal de le juger « par défaut ». La RDC s’est constituée partie civile à ce procès.

Fils de Laurent-Désiré Kabila, rebelle ayant fait tomber le dictateur Mobutu Sese Seko, Joseph Kabila, 54 ans, avait hérité du pouvoir en 2001 après l’assassinat de son père. Il a dirigé la RDC jusqu’en 2019, et est resté très discret après son départ du pouvoir. La coalition politique qu’il formait avec son successeur Félix Tshisekedi avait éclaté au bout de deux ans. En avril, l’ex-ministre de la Justice Constant Mutamba avait saisi la justice militaire afin d’engager des poursuites contre M. Kabila « pour sa participation directe » au M23.

Le procureur général de l’armée avait déposé une requête en levée de son immunité auprès du Sénat, qui l’avait approuvée par 88 voix contre cinq et avait autorisé les poursuites. Joseph Kabila bénéficiait de cette immunité en tant qu’ancien chef de l’Etat et sénateur à vie.

Un des principaux éléments exposés par le procureur est un témoignage qui attesterait que M. Kabila a tenu une conversation téléphonique avec un haut responsable du M23 au sujet d’un plan orchestré par le Rwanda visant à assassiner le président Félix Tshisekedi. D’après ce témoignage, le concerné aurait déconseillé la mise en œuvre d’une telle machination qui aboutirait à ériger M. Tshisekedi en « martyr », et aurait affirmé qu’un coup d’Etat militaire est préférable.

Dans une rare allocution transmise en ligne le 23 mai, après la levée de son immunité, l’ancien dirigeant avait dénoncé la « dictature » du gouvernement Tshisekedi, et fustigé une justice n’étant plus selon lui « qu’un instrument d’oppression d’une dictature qui tente désespérément de survivre ».

Aucune alliance formelle

L’est de la République démocratique du Congo, région riche en ressources naturelles frontalière du Rwanda, est déchiré par des conflits depuis 30 ans. Les violences se sont intensifiées ces derniers mois avec la prise de contrôle par le M23 des villes de Goma et Bukavu, capitales des provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. 

Le 19 juillet au Qatar, le M23 et le gouvernement de Kinshasa ont signé une déclaration de principes pour un « cessez-le-feu » permanent dans cette partie du pays. Mais le 24 juillet, au moins onze personnes ont été tuées dans des combats entre le M23 et des milices pro-Kinshasa dans le territoire de Masisi, au Nord-Kivu, selon des sources locales.

L’accord signé à Doha a été salué par la communauté internationale comme une « avancée » vers un accord de paix global dans l’est de la RDC. De précédents accords de paix et cessez-le-feu ont été violés ces dernières années. Le Rwanda nie soutenir militairement le M23 qui a repris dans ces opérations dans l’est congolais. Mais début juillet, des experts de l’ONU ont pointé le « rôle déterminant » joué par son armée dans l’offensive du M23 de janvier et février.

Selon un proche de M. Kabila à l’AFP, aucune alliance formelle n’a été conclue entre l’ancien président Kabila et le M23, mais ils partagent un « même objectif » : mettre fin au régime de Félix Tshisekedi. La prochaine audience est prévue pour le jeudi 31 juillet.

Studio Hirondelle RDC avec AFP