Une vidéo devenue virale ces derniers jours, partagée sur Facebook (ici et là) mais aussi sur X (ancien Twitter), affirme montrer le gouverneur de Kinshasa, Daniel Bumba, annonçant une prime destinée à récompenser les initiatives de salubrité. Dans cette courte séquence, on voit le gouverneur installé dans le studio de Top Congo FM, dans un décor fidèle à celui de l’émission Le Débat, promettant une prime de 500.000 dollars américains à toute personne qui pourra nettoyer cinq avenues. Pourtant, une analyse approfondie démontre que si la séquence vidéo est tirée d’une émission authentique, l’audio est, lui, généré par intelligence artificielle.
Dans cette séquence, le cadrage, le micro rouge typique de la radio, ainsi que la disposition du studio correspondent aux productions habituelles de Top Congo FM. Mais au-delà de l’apparence, certains détails interpellent. Le timbre de la voix, son rythme et sa diction sonnent anormalement mécaniques, loin de la voix réelle du gouverneur. Cette impression de son « robotique » constitue l’un des signes les plus fréquents d’un hypertrucage audio, plus connu sous le nom de deepfake.
Des outils de détection qui confirment le doute
Soumise à plusieurs systèmes de détection, dont Hive Moderation et le modèle Deepware, la vidéo a été jugée comme “AI-generated” avec des images à plus de 50 % authentiques mais un audio synthétique à au moins 66 %. En d’autres termes, la voix entendue dans la vidéo n’est pas celle de Daniel Bumba mais bien une imitation produite par intelligence artificielle.
A l’ère de l’IA, les technologies actuelles permettent de cloner une voix en quelques secondes d’enregistrement réel. Elles sont capables d’en reproduire le timbre, les intonations et l’accent avec une précision suffisamment élevée pour tromper un auditeur peu averti.
Une émission de mai 2025 comme soubassement
Dans un second temps, les équipes de vérification du Studio Hirondelle ont retrouvé, après une recherche inversée d’images, l’émission qui a servi de soubassement à ce deepfake, diffusée le 26 mai dernier. Vunja Uongo a revu en intégralité les 2 heures et 36 minutes de cette production, dernier passage enregistré du gouverneur sur les ondes de Top Congo FM. Nulle part il n’est question d’une quelconque récompense liée à la salubrité.
Ni la chaîne YouTube de Top Congo FM, ni son compte X, ni les plateformes officielles du gouverneur ne montrent d’apparition plus récente. Sollicité pour un commentaire, le cabinet de Daniel Bumba n’a pas donné suite, tandis que la radio Top Congo n’a pas réagi non plus.
Un contexte propice à la désinformation
Cette vidéo truquée a émergé alors que Kinshasa connaît le retour des fortes pluies. En cette fin d’année, les débats sur l’assainissement et la salubrité de la ville s’intensifient. Comme souvent, la désinformation suit les préoccupations du moment pour mieux circuler et gagner en crédibilité.
Aussi, la prolifération d’outils d’IA accessibles et bon marché facilite la création de contenus falsifiés ciblant des personnalités publiques avec des objectifs variés : décrédibilisation, manipulation de l’opinion, ou tout simplement recherche de visibilité et de revenus sur les réseaux sociaux.
Comment reconnaître un deepfake audio ?
Face à ce fléau de deepfakes audio, certaines anomalies peuvent alerter : une voix trop lisse ou trop parfaite, des transitions sans respiration naturelle, un rythme monotone, ou un léger décalage entre le mouvement des lèvres et les paroles. En cas de doute, il est possible de s’appuyer sur des outils comme Deepware, Resemble AI ou Hive Moderation. Enfin, la vérification auprès de sources officielles (comptes certifiés, chaînes YouTube authentiques, médias reconnus) peut également servir de référence.
Ces étapes de vérification sont importantes avant tout partage afin d’éviter de relayer, parfois de manière inconsciente, des manipulations conçues pour tromper, influencer ou polariser le débat public.
La rumeur de la semaine est une rubrique pour décrypter les fausses informations qui circulent sur nos réseaux sociaux et au sein de nos communautés locales sur le terrain.