Un reportage de la Radiotélévision nationale congolaise (RTNC) annonçant la signature d’un accord de paix entre la RDC et le Rwanda, un tweet relayant un prétendu mea culpa du gouvernement rwandais sur son implication dans la crise congolaise ou encore une publication Facebook affirmant que l’agence Reuters a confirmé la signature d’un accord entre les gouvernements congolais et américain. Depuis fin avril, la toile congolaise est inondée de fausses informations dues à une mauvaise traduction des textes originaux. Décryptage.
« Les deux pays venaient de signer un accord à venir pour le retour de la paix ». C’est la traduction faite par la RTNC d’une interview du président des États-Unis d’Amérique, Donald Trump. Selon ce doublage contenu dans un élément du journal de 20h du 28 avril, l’actuel locataire de la Maison Blanche aurait annoncé un accord entre la République démocratique du Congo et le Rwanda, sous la médiation américaine. Pourtant, ses propos ont été déformés alors qu’aucun accord n’a pour le moment été signé par les deux pays.
« Nous avons d’excellentes nouvelles, je crois, concernant le Rwanda et le Congo. Je pense que la paix va s’installer au Rwanda, au Congo et dans quelques autres pays aux alentours. Ce sera formidable. Nous espérons donc que cela se produira », a plutôt déclaré Donald Trump.
Depuis le 25 avril, les délégations rwandaise et congolaise ont convenu d’une déclaration de principes. Une première ébauche de l’accord de paix devrait être signée le 2 mai, mais rien n’a été fait. Toutefois, Massad Boulos, conseiller principal des États-Unis pour l’Afrique, a annoncé, dans un tweet le 5 mai, que le projet de proposition de paix entre les deux pays a été reçu au département d’État américain. Le diplomate américain a salué « une étape importante vers le respect des engagements pris dans la Déclaration de principes ».
Le faux mea culpa du ministre rwandais
La signature de la déclaration des principes avait également donné lieu à une désinformation due à une traduction erronée du ministre rwandais des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe, qui aurait, selon une publication d’un communicateur de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) sur le réseau social X, demandé pardon aux Congolais pour le rôle de son pays dans le “massacre” des Congolais.
« Nous remercions le président Trump pour cette initiative, le Rwanda demande pardon pour son implication dans les massacres des Congolais, mais le Rwanda veut épingler aussi une chose. Qu’il n’est pas seul dans cette affaire, il faut aussi interpeller le président kényan Williams Ruto, le président ougandais Kaguta Museveni et Joseph Kabila », aurait déclaré Olivier Nduhungirehe, selon la traduction de ce membre du parti présidentiel à l’intention de « ceux qui n’entendent pas l’anglais ».
Notre équipe de vérification a revu l’intégralité de cette signature, diffusée en direct par le département d’État américain. À aucun moment Olivier Nduhungirehe n’a prononcé ces mots qui n’ont pas non plus été relayés dans les médias.
« Je tiens tout d’abord à remercier le Président Donald Trump pour avoir permis un véritable changement dans le débat sur la résolution de la situation dans l’Est de la République démocratique du Congo, ce qui a conduit à la signature de la Déclaration de principes aujourd’hui. […] Nous discutons de la manière de construire de nouvelles chaînes de valeur économiques régionales reliant nos pays, notamment avec les investissements du secteur privé américain », a-t-il plutôt déclaré.
Devant ses homologues congolais et américain, le chef de la diplomatie rwandaise avait dans la foulée rappelé la nécessité d’avoir « une région sûre, exempte d’extrémisme ethnique violent et bien gouvernée ». Une ambition qui passe, selon lui, par la fédération des forces. « En travaillant ensemble, notre région peut être un moteur de prospérité pour tous nos peuples, et pour l’Afrique tout entière. Notre objectif commun est de conclure un accord de paix global dans les meilleurs délais », a-t-il poursuivi, précisant qu’« il n’existe pas de raccourcis ni de solutions miracles, et nous devons travailler dur pour y parvenir, une fois pour toutes. Le Rwanda est engagé et nous sommes prêts à poursuivre notre collaboration avec tous les partenaires impliqués dans cette initiative ».
Un article de Reuters déformé
De plus, le Rwanda n’a jamais reconnu son rôle dans la crise en République démocratique du Congo malgré l’existence de plusieurs rapports des Nations Unies. Depuis avril 2025, l’administration Trump a pourtant entrepris de mettre les deux gouvernements autour d’une table. En parallèle, Washington négocie avec chaque partie un accord stratégique portant sur les minerais. Kinshasa espère que cet accord viendrait offrir la paix aux populations de sa partie orientale qui sont tourmentées par la guerre depuis trois décennies. Comme l’accord de paix, l’autre, baptisé « minerais contre paix et sécurité » entre Kinshasa et Washington n’a pas été signé pour le moment alors que des publications annoncent le contraire, après avoir mal traduit un article de l’agence Reuters.
Sur Facebook, un autre internaute proche de l’UDPS a écrit : « le journal britannique Reuters confirme la signature de l’accord entre la RDC et les USA ». Son post se base sur un article intitulé : « Trump supporter Prince reaches deal with Congo to help secure mineral wealth » et évoquant plutôt un accord avec Blackwater. Cette société de sécurité privée américaine, dirigée par Erik Prince, un fervent partisan de Trump, a conclu un partenariat avec Kinshasa pour la « sécurisation et la taxation des richesses minérales congolaises pour permettre à la RDC de tirer davantage de revenus d’une industrie entachée par la contrebande et la corruption ». Selon les proches d’Erik Prince cités par Reuters, l’entente vise à « améliorer la collecte des impôts » et à réduire « la contrebande transfrontalière de minerais » mais ne prévoit pas le déploiement des agents de sécurité « dans les zones de conflit actif ».
Selon la même source, l’accord a été conclu avant la chute des villes de Goma et Bukavu, en janvier puis février, entre les mains des rebelles de l’Alliance fleuve Congo – Mouvement du 23 mars (AFC/M23), soutenus par le Rwanda.
Toutefois, les États-Unis et la République démocratique du Congo explorent effectivement la possibilité d’un accord plus large sur des partenariats dans le domaine des minéraux critiques. Pour l’heure, les discussions se poursuivent toujours sur deux tableaux aux États-Unis. D’un côté, Kinshasa et Washington négocient un « accord stratégique » portant sur les minerais et d’un autre, Washington pousse pour faire obtenir un accord de paix entre Kinshasa et Kigali.
À ce jour, rien n’a cependant été signé. Ces publications sous-tendues par des traductions incorrectes mettent en avant l’importance de faire attention aux sources primaires d’une information, y compris sa langue d’origine. Une information initialement fiable peut être déformée, volontairement ou non, quand elle passe par le filtre de la traduction. En effet, une traduction littérale peut parfois aboutir à des phrases incompréhensibles, voire à des contresens complets. Une réalité renforcée par l’intelligence artificielle qui est venue accroître le risque de désinformation après une traduction automatique. Dans ce contexte, il est important de prendre les traductions automatiques brutes avec des pincettes, surtout lorsqu’il s’agit d’informations sensibles ou importantes. La vigilance ne devrait donc pas s’arrêter à la source de l’information, mais s’appliquer également à la manière dont elle est transmise d’une langue à une autre.
La rumeur de la semaine est une rubrique pour décrypter les fausses informations qui circulent sur nos réseaux sociaux et au sein de nos communautés locales sur le terrain. Un décryptage réalisé par Vunja Uongo, l’équipe de la cellule de vérification du Studio Hirondelle RDC.