L’insécurité dans l’est du pays a entraîné le déplacement interne de plus de 5,7 millions de personnes qui vivent dans la précarité dans des camps de réfugiés en Ituri et au Nord-Kivu. Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) qui ne dispose que 14 % sur les 250 millions de dollars nécessaires pour répondre à cette situation appelle à « une action immédiate ».
« Nous souffrons énormément. Il nous est difficile de trouver de quoi manger. Parfois nous nous contentons simplement de la bouillie. On nous a assistés un moment, mais actuellement il n’y a plus rien », relate Brigitte, une déplacée de guerre de la province de l’Ituri dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Elle vit dans le camp de Kigonze, dans la ville de Bunia, où près de 14.000 déplacés soit plus de 3.300 ménages vivent dans des conditions difficiles. Sur la longue liste des besoins des déplacés figurent notamment l’accès à la nourriture, à l’eau potable et aux latrines décentes. Assisse devant son abri de fortune, portant son bébé sur la poitrine, Brigitte tresse les cheveux d’une autre déplacée. C’est l’une des activités qui lui permettent de trouver quelques francs congolais pour répondre à certains des nombreux besoins de sa petite famille.
Ecoutez l’intégralité du magazine ici 👇🏾
Comme dans beaucoup d’autres camps à travers la province, ici la scolarité des enfants est mise à mal. Papy Faustin, président du Comité des déplacés, rapporte que sur les 9.500 à l’âge de scolarité, seulement 2.500 sont pris en charge, faute de capacité d’accueil dans l’école créée sur le site.
La province voisine du Nord-Kivu fait également face aux déplacements massifs des populations. Plus de 1,3 millions de personnes ont quitté leurs maisons et champs, selon le HCR, depuis la reprise des affrontements entre le mouvement rebelle M23 et les forces loyalistes (FARDC), appuyées par les groupes d’autodéfense locale appelés « Wazalendo ». Des milliers de ménages vivent dans des camps de déplacés, sans assistance humanitaire conséquente, selon le comité provincial des déplacés.
« La souffrance a dépassé le seuil du tolérable »
Une déplacée interne dans camp de Bulengo, dans l’est de la RDC
Dans le camp des déplacés de Bulengo, situé dans le territoire de Nyiragongo, au nord Goma, capitale provinciale du Nord-Kivu, de nombreuses personnes vivent sous des abris provisoires, d’autres dans des églises, voire dans des salles de classes. Des enfants portant de vêtements en lambeaux, pieds nus, pleurent de faim. Le désarroi se lit sur le visage d’un bon nombre d’entre eux. « La souffrance a dépassé le seuil du tolérable », soupire une déplacée.
La famille Niyozima, venue de Biruma, en territoire de Rutshuru, vit sur ce site depuis un moment. Balthazar, son épouse et leurs cinq enfants logent dans une petite hutte qui ne correspond pas à la taille du ménage, d’autant plus que celui-ci va s’agrandir avec la naissance prochaine d’un bébé. Ils ne savent plus à quel saint se vouer. « Mes enfants n’étudient pas. J’ai laissé mes champs, ma parcelle et tout ce que j’avais au village. Nous laisser comme ça, ne nous donne pas vraiment la chance de survivre », fait-il entendre. Le vœu de Balthazar Niyozima, c’est de retourner à Rutshuru pour reprendre ses activités champêtres. « Pour cela, faut-il que la paix y soit rétablie », plaide le père de famille.
Selon le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR), plus de 5,7 millions de personnes sont déplacées internes dans les provinces du Nord-Kivu, Sud-Kivu et de l’Ituri. Une situation causée par l’insécurité dans la partie est de la République démocratique du Congo (RDC). Dans un communiqué rendu public le 26 mars 2024, l’agence des Nations-Unies rapporte qu’elle ne dispose que de 14 % des 250 millions de dollars nécessaires à sa réponse face à cette situation. Le HCR appelle à « une action immédiate ».
« C’est une catastrophe »
Entretemps, la situation de ces déplacés demeure préoccupante. Elle fait réagir la lauréate du Prix Woman building peace (Femmes construisant la paix) en 2023. Pour Pétronille Vaweka, c’est une « catastrophe ». « Une situation humanitaire qui perdure depuis plus de dix ans, 20 ans, c’est impensable. Il y a des enfants qui naissent dans cette situation, qui meurent dans cette situation », déplore-t-elle. La septuagénaire qui travaille dans les zones en conflit depuis plus de 25 ans exhorte gouvernement, société civile, communautés, groupes armés et autres acteurs à s’impliquer davantage pour fin des hostilités.
Du côté des autorités, on affirme ne pas croiser les bras. Le 20 mars, le gouvernement a dépêché, à Goma dans le Nord-Kivu, la ministre d’Etat en charge de l’environnement Eve Bazaiba. D’après elle, l’aide du gouvernement ne concerne que la récente vague de déplacés. La ministre parle d’un échantillon « qui ne sait pas encore par où commencer par rapport aux autres qui reçoivent déjà un petit apport ».
Les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri, sous état de siège depuis 2021, sont les plus touchées par les violences. Interrogé au sujet de la situation des déplacés, le porte-parole du gouvernement militaire a déclaré que les efforts sont fournis sur plusieurs plans en vue d’apporter des réponses aux différents besoins de ces milliers de personnes. Par ailleurs, des appels à l’aide sont permanents dans toute la partie est de la République démocratique du Congo.