Ce qu’il faut savoir de la cooptation des chefs coutumiers dans les assemblées provinciales
En République démocratique du Congo, les autorités traditionnelles sont reconnues par la loi. Les chefs coutumiers participent à la vie politique du pays.

Ce qu’il faut savoir de la cooptation des chefs coutumiers dans les assemblées provinciales

La Constitution de la République démocratique du Congo reconnaît le pouvoir coutumier. À chaque législature, quelques sièges des Assemblées provinciales sont réservés aux autorités coutumières qui sont cooptées et jouissent de mêmes droits que les députés provinciaux. On ne compte que très peu de femmes cheffes coutumières.

Depuis 2006, année des premières élections démocratiques en République démocratique du Congo (RDC), des chefs coutumiers de provinces siègent tour à tour dans les Assemblées provinciales comme députés provinciaux. Leur cooptation est reconnue dans l’article 154 de la loi électorale qui stipule entre autres qu’« aucun chef coutumier ne peut être coopté au cours de deux législatures successives ».

« La présélection de chefs coutumiers se passe dans chaque territoire. C’est l’administrateur du territoire qui invite tous les chefs des groupements et chefferies pour qu’ils se choisissent un délégué qui va les représenter au niveau de la province pour la désignation des candidats à la cooptation », explique Mfumu Difima Ntinu, président du conseil supérieur de l’autorité traditionnelle et coutumière (CONATC) en RDC. Après cette étape, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) a organisé, au mois de février, l’élection des autorités coutumières désignées et votées par leurs pairs.

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Un processus entaché d’irrégularités

Mais ce processus n’est pas exempt d’irrégularités. Même si la loi électorale souligne que les deux suppléants du candidat chef coutumier doivent eux aussi être des autorités traditionnelles reconnues, certains empreignent cette règle. Dans le Kasaï-central, un chef coutumier siège à l’Assemblée alors qu’un de ses suppléants ne remplit pas les critères. « Il a un deuxième suppléant chef coutumier [non reconnu par le ministère de l’Intérieur, de la sécurité et des affaires coutumières, ndlr] qui détient un arrêté ministériel au nom de son père datant de 1995 », a dénoncé, dans une déclaration, la Synergie des missions d’observation citoyenne des élections (Symocel), début mars.

Dans le Kasaï-Oriental, le Centre pour les droits de l’homme fustige le fait que la ville de Mbuji-Mayi ait été considérée comme un territoire, avec un candidat chef coutumier. « Les chefs coutumiers désignés à la cooptation doivent être issus des territoires. Il est inconcevable qu’il ait un chef coutumier dans la ville de Mbuji-Mayi », analyse Justice Tshiamala, Directeur du centre pour les droits de l’homme et droits humanitaires.

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Au sein des mouvements traditionnels, certaines autorités dénoncent une influence politique derrière la désignation des chefs coutumiers. « Depuis que les gens ont compris que les chefs coutumiers vont travailler à la nouvelle politique des provinces et à l’élection des sénateurs et des gouverneurs, beaucoup se sont organisés pour que leurs chefs soient là [dans les assemblées provinciales, ndlr] », regrette Mfumu Difima Ntinu.

Une seule femme cheffe coutumière

Selon les estimations du Conseil supérieur de l’autorité traditionnelle et coutumière (CONATC), les femmes cheffes coutumières ne représentent que 10 % de l’ensemble des autorités traditionnelles de la RDC. Une situation liée à certaines règles de coutumes du pays qui s’érigent en barrière pour les femmes. « Coutumièrement, une femme, pendant ses menstrues, ne prépare pas pour les chefs. Imaginez-vous maintenant une cheffe coutumière pendant ses menstrues face à un village au front, que va-t-elle faire ? », explique le président de cette structure.

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Sur les 65 chefs coutumiers cooptés dans les provinces, on ne compte qu’une seule femme : Elyse Kawungu. La femme de 65 ans et mère de quatre enfants est issue d’une famille royale. Elle a pris le pouvoir après le décès de sa grand-mère. « Ma grand-mère était cheffe coutumière. Puisqu’elle était décédée dans ma maison, on m’a dit qu’elle m’avait légué le pouvoir. C’est ainsi que je l’ai pris », confie-t-elle au Studio Hirondelle RDC. « Dans le territoire de Bulungu (Kwilu), nous étions cinq candidats. J’étais la seule femme. Nous sommes passés par le vote et j’ai remporté avec 27 voix. [En tant que cheffe coutumière, ndlr], mes collègues du groupement me respectent beaucoup, la population aussi », explique Elyse Kawungu.

Les chefs coutumiers cooptés jouent le même rôle que les députés provinciaux, et jouissent de mêmes privilèges. Par conséquent, ils voteront les sénateurs et gouverneurs au mois d’avril.