🎧 Une ancienne vidéo de Bintou Keïta ressortie hors contexte pour semer la confusion sur le M23

Une vidéo datant de 2022, montrant la cheffe de la MONUSCO Bintou Keïta, a récemment circulé sur les réseaux sociaux, accompagnée d’une légende trompeuse. Présentée comme une déclaration récente contre le M23, elle est en réalité sortie de son contexte et exploitée dans un climat tendu autour du conflit dans l’Est de la RDC.


Une  vidéo montrant Bintou Keïta, Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies et cheffe de la MONUSCO, dans les locaux de Radio Okapi, est devenue virale depuis le 20 juin. Ce contenu a notamment été partagé par le journaliste congolais Éric Wemba avec cette légende : « Bintou Keita sonne la fin de la guerre à l’Est de la RDC ! » La vidéo, présentée comme récente, a été publiée le 20 juin soit cinq jours après le séjour de Keïta à Goma, et une semaine avant la signature d’un accord de paix entre la RDC et le Rwanda à Washington, sous l’égide des États-Unis.

En réalité, la légende est trompeuse. La vidéo date du 21 décembre 2022, et ne concerne pas la situation actuelle. Contrairement à ce qu’affirme la légende virale, Bintou Keïta n’a jamais donné d’ordre au M23 de se retirer de l’est de la République démocratique du Congo (RDC) avant le 15 juin 2025. Dans cette ancienne déclaration, elle déclarait : « L’insécurité à l’Est de la RDC, ça suffit ! Il faut que vous obéissiez aux injonctions qui vous ont été données depuis le mois d’avril. Vous devez cesser immédiatement les hostilités, vous devez vous retirer des localités parce que vous êtes maintenant à plus de 80 % d’occupation du territoire de Rutshuru. Vous devez aller dans le processus PDDRCS et vous devez aussi entrer là où vous étiez en novembre 2021 quand vous avez commencé à attaquer les forces de sécurité, notamment les FARDC ».

Sens de l’observation et outils de recherche en ligne 

Vunja Uongo, la cellule de vérification du Studio Hirondelle RDC, a analysé la vidéo et relevé deux indices frappants : un fond blanc visible derrière Keïta, alors que les 20 dernières vidéos sur le compte X de la Radio Okapi ont un fond bleu et l’inscription « 20 ans d’existence » correspondant au vingtième anniversaire de la onusienne en 2022, créée en en février 2002. 

Les résultats d’une recherche d’images inversées, complétée par une analyse par mots-clés obtenus avec Turbo Scribe [un outil de retranscription automatique via intelligence artificielle, ndlr], ont établi que la publication initiale date plutôt du 21 décembre 2022. Une autre recherche ciblée avec focus sur la période allant du 19 au 23 décembre 2022, avec les mots-clés « Bintou Keïta », a permis de retrouver le contexte de cette déclaration. L’appel de Bintou Keïta a en effet été lancé au lendemain de l’adoption de deux résolutions au Conseil de sécurité des Nations-Unies en faveur de la RDC : l’une prolongeant d’un an le mandat de la MONUSCO, l’autre levant l’obligation de notification pour la fourniture d’armes, d’équipements, de formation de conseil et d’assistance militaire au profit de la RDC.

Depuis cet appel, plus de deux ans se sont écoulés et le M23 a étendu son action, occupant désormais les villes de Goma et Bukavu, deux agglomérations phares de la partie orientale, où a récemment séjourné Bintou Keïta.

Fausse information autour de la visite de Keïta à Goma 

Le séjour de Bintou Keïta à Goma du 13 au 15 juin 2025 a, lui aussi, donné lieu à plusieurs infox, notamment celle d’un prétendu ultimatum qu’elle aurait lancé aux rebelles pour plier bagage d’ici le 15 juin. Pourtant, cela est faux. La cheffe de la MONUSCO a plutôt indiqué être venue dans un esprit d’écoute et d’échange, évoquant la poursuite d’efforts conjoints au profit de la population.

Après avoir rencontré les responsables du M23, elle a évoqué une rencontre entreprise dans le cadre d’une continuité d’efforts conjoints entamés depuis quelques mois au profit de la population. « Les responsables de l’AFC/M23 ont exprimé leur volonté de trouver une solution pacifique à la crise », a-t-elle déclaré à la presse.

Désinformation, biais et responsabilité

Le détournement de contenus (vidéos, images, discours) hors de leur contexte est l’une des pratiques les plus fréquentes de désinformation. Même les journalistes peuvent en être victimes par inattention ou biais. Ces derniers sont des déviations dans la façon d’interpréter la réalité ou de présenter les informations, influencées par des convictions, des idéologies ou des intérêts.

Pour les contourner, les journalistes doivent s’élever au-dessus de leurs opinions personnelles et livrer des faits vérifiés et désintéressés. Le public, quant à lui, est invité à garder un regard critique, à croiser les sources, même si une information semble venir d’un média ou d’un journaliste reconnu.

La rumeur de la semaine est une rubrique pour décrypter les fausses informations qui circulent sur nos réseaux sociaux et au sein de nos communautés locales sur le terrain. Un décryptage réalisé par Vunja Uongo, l’équipe de la cellule de vérification du Studio Hirondelle RDC.