🎧 Inondations : une urbanisation mal maîtrisée au cœur de la crise dans les villes congolaises

Les pluies torrentielles qui frappent plusieurs villes de la République démocratique du Congo provoquent des inondations meurtrières et des dégâts considérables. Experts et acteurs de la société civile pointent une mauvaise gestion urbaine, l’absence de réseaux de drainage et un cadre légal obsolète comme principales causes de cette situation récurrente.

En 2025, à Kinshasa, au moins 141 personnes ont trouvé la mort à la suite des inondations. 280 maisons se sont effondrées et plus de 38 000 autres ont été touchées par cette catastrophe, selon des chiffres du ministère de l’Intérieur. Les villes de Bukavu, Kisangani, Lubumbashi et Kalemie ont également connu de fortes inondations cette année.

Pour Michel Uyumbu, ingénieur et président de la Corporation des ingénieurs BTP (Bâtiment et Travaux publics), le problème réside principalement dans la mauvaise gestion urbaine : absence de réseaux de drainage des eaux pluviales et insuffisance d’une politique efficace de gestion des déchets. Selon lui, ces lacunes expliquent en grande partie la situation actuelle.

« Quand vous êtes dans une ville, vous devez fonctionner comme dans une ville. Dans toutes les villes du monde, il existe des réseaux d’égouts enterrés, et non à ciel ouvert comme c’est le cas en RDC. Il y a aussi des éboueurs chargés de curer régulièrement ces égouts, relève-t-il. Lorsque vous n’entretenez pas le peu de réseau existant, vous ne pouvez pas vous cacher derrière le sable. Il n’y a pas que le sable dans ces collecteurs, il y a aussi des déchets solides. Les inondations sont la résultante d’une mauvaise gestion urbaine. »

Ces dernières années, les grandes villes connaissent également une forte extension spatiale, un phénomène face auquel les pouvoirs publics montrent leurs limites. De nouveaux quartiers sont lotis sans être préalablement urbanisés. Par exemple, le long de la rivière Makelele, derrière l’hôpital de Kintambo, dans le quartier GB, on trouve des habitations dépourvues de réseau d’évacuation des eaux. Or, cette zone constitue un lit majeur de la rivière Makelele et n’était pas destinée à l’habitat. L’ingénieur déplore également le manque d’outils adéquats pour une gestion urbaine efficace et préventive.

« Nous avons une loi sur l’urbanisme qui date de 1957, promulguée à l’époque coloniale. C’est elle qui a structuré nos villes. Depuis, aucune autre loi n’est venue réglementer l’occupation des espaces urbains. Nous n’avons pas de plans directeurs pour la plupart de nos villes, ni de code de la construction et de l’urbanisme, rappelle-t-il. Pourtant, ce sont des outils essentiels. En tant que corporation, nous avons contribué à la relecture d’un projet de loi portant code de l’urbanisme et de la construction il y a trois ans, mais ce texte n’a jamais été présenté au Parlement pour adoption. Aujourd’hui, des quartiers entiers sont construits sans réseaux de drainage. Il faut mettre fin au développement de quartiers sans ouvrages d’évacuation des eaux. »

Pour tenter de limiter les dégâts, l’Hôtel de ville de Kinshasa a procédé à la démolition de maisons construites dans des zones non appropriées, notamment celles érigées sur des collecteurs ou des passages d’eau. Mais cette approche suscite des interrogations.

Jonas Tshiombela, coordonnateur de la Nouvelle Société Civile Congolaise, se montre sceptique et estime que l’État manque de cohérence. « C’est l’État qui délivre des documents autorisant des lotissements dans des zones non constructibles, puis c’est encore lui qui vient démolir ces constructions. C’est malvenu et cela démontre une faillite de l’État. L’une des actions que la Nouvelle Société Civile pourrait envisager, c’est d’intenter un procès contre l’État congolais », avance-t-il.

Les inondations ne constituent toutefois pas un phénomène propre à la RDC. À travers le monde, de nombreuses villes sont confrontées à ce problème, notamment en raison du changement climatique et de la montée des eaux des mers et des océans.