Joseph Kabila, ancien président de la République démocratique du Congo, séjourne à Goma, ville contrôlée par les rebelles de l’Alliance fleuve Congo/Mouvement du 23 mars (AFC/M23), soutenus par le Rwanda. Son arrivée, dans la nuit du 25 au 26 mai, survient un mois après une première fausse alerte en avril. Sur les réseaux sociaux, ce déplacement est présenté comme une preuve de ses liens présumés avec la rébellion, que Kinshasa l’accuse de soutenir. Au milieu de ce flux, plusieurs affirmations erronées ont circulé. Décryptage.
Le lundi 26 mai, une photo montrant Kabila assis au bord d’un cours d’eau, en compagnie de quatre hommes blancs, dont un porte un béret à l’insigne des Nations Unies, est devenue virale sur les réseaux sociaux Facebook et X. Selon la légende, le cliché aurait été pris à Goma, le jour même, lors d’une réunion avec la Monusco. « Cette entrevue s’inscrit dans le cadre d’un dialogue constructif et d’une coopération renforcée entre les autorités congolaises et la mission des Nations unies », lit-on sur une publication vue par des centaines de milliers d’internautes en quelques jours.
Pourtant une observation poussée du cliché a permis de remarquer que l’ancien dirigeant congolais paraît plus jeune. Grâce à une recherche d’images inversées, Vunja Uongo, la cellule de vérification des faits du Studio Hirondelle RDC, a trouvé le contexte de la photo. Elle a été publiée le 4 décembre 2013 sur la page officielle de la Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation de la RDC (Monusco). La mission onusienne affirme que le cliché a été pris à cette date « sur la rive du Lac Kivu à Goma » par le photographe suisse Sylvain Liechti.
La Monusco n’est pas impliquée dans la sécurité de Joseph Kabila
L’identité des personnes présentes aux côtés de Joseph Kabila est mentionnée en légende : Hervé Ladsous, le Secrétaire général adjoint de l’ONU pour les Opérations de maintien de la paix, Martin Kobler, le Représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU en RD-Congo et Chef de la Monusco, son adjoint chargé de l’Etat de droit, Abdallah Wafy, ainsi que le Commandant de la Force de la Monusco, le Général Carlos Alberto Dos Santos Cruz.
Ces quatre personnalités n’ont plus de fonctions officielles aux Nations-Unies. Numéro deux de l’ONU à l’époque, Hervé Ladsous a quitté son poste le 14 février 2017, remplacé par Jean-Pierre Lacroix. De son côté, Kobler a quitté la Monusco en 2015 pour le même poste en Libye où il a passé 20 mois. Son adjoint de l’époque, Abdallah Wafy, est décédé le 16 décembre 2020. Enfin, le Général brésilien Carlos Alberto Dos Santos Cruz est actuellement chef de la mission d’enquête des Nations unies concernant le massacre de la prison d’Olenivka en Russie. De plus, nos recherches ont établi que les deux diplomates encore vivant et le vétéran brésilien n’ont pas été récemment à Goma.
Kabila ne s’est pas rendu au centre de formation idéologique de l’AFC/M23
Présent à Goma depuis le 26 mai, Kabila n’est apparu en public que le 29 mai pour lancer ses consultations, recevant des responsables des confessions religieuses à la ferme de Kinyogote, située à près de 15 kilomètres de la ville de Goma. Pourtant, une autre rumeur a prétendu qu’il s’est rendu au centre de formation idéologique de l’AFC/M23 à Rumangabo à la date de son arrivée. Des affirmations vite démenties par son entourage, cité par le journaliste Fiston Mahamba de l’agence de presse britannique Reuters. « Cette histoire de Rumangabo est fausse », a déclaré un proche de Kabila, précisant que l’ancien président n’avait fait « aucun déplacement en dehors de sa résidence » les 27 et 28 mai.
Sur Internet, les crises sanitaires, économiques, sociales et sécuritaires favorisent la prolifération de fausses informations dans une sorte d’infodémie. Cette diffusion d’informations contradictoires et erronées peut créer la confusion et la panique au sein des populations. Pour y remédier, la vérification demeure une étape cruciale avant de partager.
La rumeur de la semaine est une rubrique pour décrypter les fausses informations qui circulent sur nos réseaux sociaux et au sein de nos communautés locales sur le terrain. Un décryptage réalisé par Vunja Uongo, l’équipe de la cellule de vérification du Studio Hirondelle RDC.