🎧 NON ! L’utilisation du dollar n’est pas interdit et la BCC n’a pas ouvert de guichet de change

Alors que le franc congolais connaît une nette appréciation face au dollar américain, spéculation monétaire, rumeurs et désinformation accompagnent cette embellie.  Sur les réseaux sociaux, une affirmation virale prétend même que le gouvernement congolais a interdit la détention et l’utilisation des monnaies étrangères sur le territoire national. D’autres contenus (ici et ) ont annoncé l’ouverture des guichets fonctionnant comme bureaux de change à la Banque centrale du Congo (BCC). Nous avons démêlé le vrai du faux. 

Tout est parti des publications apparues le 9 octobre 2025, relayées massivement sur Facebook et WhatsApp. Ces messages affirment que le gouvernement congolais a demandé « à tous les Congolais qui gardent encore leurs monnaies étrangères -dollars, euro, franc CFA, livre sterling, kwanza et autres- d’en échanger en francs congolais car il y a urgence ».

Ces posts ajoutent qu’à partir du vendredi suivant, il serait « trop tard »  pour changer les devises, et que des amendes allant jusqu’à un million de francs congolais seraient infligées à quiconque serait trouvé en possession d’une monnaie étrangère.

Pour renforcer la crédibilité de ces contenus, leurs auteurs ont mêlé à la fausse information deux affirmations exactes : l’interdiction d’afficher publiquement le taux de change et l’obligation d’afficher les prix en francs congolais. Ces deux mesures, bien réelles, n’ont pourtant aucun lien avec une interdiction d’utiliser les monnaies étrangères.

La BCC interdit l’affichage du taux de change à l’extérieur

En République démocratique du Congo, l’interdiction d’afficher publiquement le taux de change découle d’un communiqué de la Banque centrale du Congo (BCC) publié en août 2020, rappelant l’instruction administrative n°007 sur la réglementation de l’activité de change manuel. Face aux spéculations récentes, l’institution a rappelé cette mesure dans un nouveau communiqué daté du 13 octobre 2025.

Quant à l’obligation d’afficher les prix en francs congolais, elle provient d’un arrêté du ministre de l’Économie nationale, pris en juillet 2025, dans le but de renforcer la visibilité et la souveraineté de la monnaie nationale. 

Les monnaies étrangères ont libre cours en RDC

Toutefois, aucun texte n’interdit la détention, l’utilisation ou l’échange des devises étrangères. Bien au contraire, la BCC est, selon la Loi du 13 décembre 2018 portant organisation et fonctionnement de cette institution, habilitée à réglementer les marchés monétaires et les opérations de change. A ce titre, elle a expliqué n’avoir pris aucune mesure allant dans ce sens. 

Vunja Uongo, la cellule de vérification du Studio Hirondelle RDC, a consulté plusieurs textes réglementaires dont la Réglementation du change en RDC qui dispose à son article 2 que « La détention des monnaies étrangères en République Démocratique du Congo est libre ».

De plus, le gouverneur de la BCC, André Wameso, a d’ailleurs confirmé ce libre cours des monnaies étrangères sur les ondes de Top Congo FM, qualifiant cette prétendue interdiction d’« utopique ».

Confusion autour des guichets ouverts à la BCC

En ce qui concerne la rumeur sur l’ouverture des guichets de change pour permettre à la population de changer ses dollars au taux officiel, notre rédaction a découvert que cette désinformation découle d’une mauvaise interprétation d’un récent communiqué de la Banque centrale du Congo, publié le 12 octobre 2025. Dans ce document, la BCC rappelait qu’elle dispose de guichets pour échanger les billets de franc congolais impropres à la circulation, en d’autres termes remplacer les billets usés par des neufs.

Cette opération, appelée « échange » et non « change », ne concerne que les billets de francs congolais et n’a rien à voir avec une transaction de devises étrangères. En RDC, les opérations de change pour le grand public restent du ressort des banques commerciales et bureaux de change agréés, pas de la Banque centrale directement.

Quid de l’appréciation du franc congolais ?

L’élément déclencheur de cette vague de désinformation est l’appréciation récente de la monnaie nationale qui, selon la BCC, repose sur quatre piliers : des interventions directes sur le marché des changes, notamment l’injection de 50 millions de dollars à un taux inférieur à celui du marché (2.776 FC pour 1 USD le 18 août 2025) ; l’actualisation du taux de change appliqué aux réserves obligatoires ; le renforcement de la transparence sur le marché, ainsi qu’une meilleure gestion de la liquidité bancaire.

Malgré cette stabilisation, un écart persiste encore entre le taux officiel et le taux du marché parallèle. Une donne que la Banque centrale attribue à un déficit de transparence. Le gouverneur André Wameso Nkualoloki a annoncé l’installation prochaine du système Bloomberg auquel seront connectées toutes les banques commerciales afin de calculer un taux indicatif plus fidèle à la réalité.

Le viralité de cette vague de désinformation autour de la spéculation monétaire se justifie par la place accordée à l’argent dans les débats publics. Sur Internet, toutes les informations doivent être prises avec des pincettes. Face au risque élevé de manipulation, il est important de rester vigilants et d’analyser tous les contours des contenus en ligne, y compris ceux véhiculés par des comptes aux apparences authentiques.

La rumeur de la semaine est une rubrique pour décrypter les fausses informations qui circulent sur nos réseaux sociaux et au sein de nos communautés locales sur le terrain.